Les associations dénoncent la dangerosité de la “solution” proposée par Nicole de Moor pour expulser des Afghans
Alors que la secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor (CD&V) a élaboré une “solution permettant le retour forcé vers l’Afghanistan”, elle invite le prochain gouvernement à l’intégrer dans ses politiques. Cette “créativité” ne passe pas pour les associations.
Les retours forcés ont été gelés provisoirement en 2021, au moment de la prise de pouvoir des Talibans dans le pays. Quatre ans plus tard, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides estime que de nombreux Afghans demandeurs d’asile ne risquent pas d’être persécutés dans leur pays. L’an dernier, 19 personnes sont rentrées de leur plein gré.
De son côté, Nicole de Moor dit avoir élaboré ces derniers mois une procédure permettant de reprendre les expulsions, sans devoir coopérer avec le régime taliban. “La solution consiste à amener les personnes en Afghanistan via Istanbul”. Mais pour la majorité d’entre eux, qui ont fui leur pays, pour échapper aux talibans, retourner en Afghanistan n’est pas envisageable. “Ce serait très dangereux pour moi”, confie un réfugié.
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■ Explications de Safouane Abdessalem
L’idée de la secrétaire d’Etat ne fait pas l’unanimité auprès des associations : “C’est quoi cette créativité pour décomposer l’expulsion en passant par un partenaire non-européen? Cela semble violer tout plein de garantie de sécurité”, dénonce Sotieta Ngo, directrice du CIRE.
35% des demandes d’asile acceptées
En effet, selon l’article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, la Belgique doit garantir qu’aucune expulsion ne mette en danger les personnes concernées. “Aujourd’hui, je pense qu’on peut dire que le régime tenu par les Talibans n’est pas un contexte où on peut garantir que ceux qui ont fui puissent être réaccueilli sans leur éviter des situations dangereuses”, affirme Medhi Kassou, directeur de la plateforme citoyenne. Nicole de Moor souhaite expulser en priorité les personnes “qui ont commis des actes criminels ou qui ont causé des nuisances”.
Alors que les Afghans représentent la troisième nationalité en termes de demandes d’asile en Belgique, Médecins du monde affirme que seulement 35% des Afghans qui introduisent une demande d’asile reçoivent une réponse favorable. L’association dénonçait l’été dernier le “no man’s land” dans lequel ils se trouvent lorsqu’ils reçoivent un ordre de quitter le territoire, souvent impossible à réaliser. Elle appelait la Belgique à octroyer à ces personnes un statut leur permettant de travailler et de participer à la société, pour éviter de pousser la population réfugiée afghane dans des “situations de survie précaires.”
■ Reportage de Jeanne Pastre, Kim Gaudaire, Frédéric De Heneau et Manu Carpiaux