L’épicerie solidaire “Feed the Culture” lance un appel à l’aide aux supermarchés bruxellois

Feed the Culture, créée en 2020 en pleine pandémie de covid, est une structure qui distribue à manger tous les samedis, aux travailleurs de la culture au sens large à partir d’invendus alimentaires. Alors que leur principal partenaire vient de les lâcher, l’épicerie tire la sonnette d’alarme et en appelle au bon sens des groupes de la grande distribution.

Chaque samedi, c’est plus de 170 portions de nourriture qui sont généreusement distribuées par Feed the Culture. Si l’épicerie ne retrouve pas un nouveau collaborateur dans les prochains jours, elle fermera ses portes au 1er juillet. Une bien triste nouvelle pour le secteur culturel et ses travailleurs, déjà très “précaires” d’après Pauline Duclaud-Lacoste, à l’origine de ce projet.

La crise Covid n’a fait qu’accroître la demande des bénéficiaires, alors que les invendus se font de plus en plus rares pour plusieurs raisons. L’inquiétude grandit notamment avec l’annonce de la volonté du groupe Delhaize de franchiser ses magasins : “Cela veut dire que chaque directeur pourra décider ou non de donner ses invendus. On bosse aujourd’hui avec un Delhaize, et l’incertitude est totale” explique Pauline Duclaud-Lacoste.

Celle-ci souligne aussi une nouvelle “concurrence” à laquelle l’épicerie est confrontée : les start-ups qui monétisent les invendus. En effet, il s’agit d’un phénomène plein essor : “Les entreprises extérieures à Carrefour etc passent des contrats avec eux concernant les invendus, pour pouvoir les revendre par la suite.” Elle rajoute que du côté de la loi, c’est un grand flou, “une brèche dans le système” pour ces pratiques.

La troisième raison qui explique la rareté des invendus est que les supermarchés préfèrent tout simplement jeter leurs invendus. “Ils considèrent que devoir donner ça leur prend trop de temps et d’argent, car ils doivent gérer les services qui viennent etc” déclare Pauline Duclaud-Lacoste, légèrement exaspérée.

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Pourquoi donner ses invendus ?

En Région bruxelloise, le nombre de magasins qui donnent leurs invendus avoisine à peine les 15% d’après Pauline Duclaud-Lacoste. “Un chiffre ridicule, quand on sait les tonnes de nourritures qui sont jetées.” 

Alors que Feed the Culture lance un appel à l’aide aux grandes surfaces, la fondatrice explique les bénéfices pour les magasins de participer à ce type d’opération.

La première et la plus évidente à ses yeux, est le pur sens commun. Si cette raison ne suffit pas toujours, la deuxième peut interpeller : les magasins récupèrent la TVA sur les produits donnés. Pauline Duclaud-Lacoste explique : “Quand vous passez une convention avec eux, vous vous engagez à les donner gratuitement ou à des prix modérés et à vous occuper vous-même de la distribution.”

Le troisième argument avancé et probablement le plus ancré dans l’actualité, concerne le tri des déchets. Alors que celui-ci est devenu plus strict, les supermarchés auraient selon Pauline, tout intérêt à se débarrasser de leurs invendus. Ainsi, ils éviteraient de payer des sommes astronomiques pour leurs poubelles. Ils limiteraient également les efforts concernant la séparation des emballages plastiques et des aliments.

Distribution des invendus / ©Renaud Masson

70 caisses par semaine

Malgré toute la bonne volonté que pourraient avoir des petits commerçants, leurs invendus ne suffiraient pas : “Nous, on est en palettes, en caisses. Il faut comprendre nos quantités. On ne peut pas faire toute la Région pour aller récupérer deux yaourts…” explique Pauline Duclaud-Lacoste. Elle rajoute : “Mais nous, ce n’est rien en comparaison à d’autres.” 

C’est pour cela, que Feed the Culture lance un appel aux groupes de la grande distribution comme Carrefour, Liddl, Delhaize etc. L’épicerie est à la recherche d’un partenaire durable, sensible à la culture et prêt à soutenir : “Tous nos loulous du secteur, surtout si vous voulez continuer à avoir des films, des livres ou des expositions.”

L’horloge tourne et chaque minute compte pour l’épicerie, bien déterminée à devenir pérenne. “C’est une gigantesque frustration de voir toute la nourriture jetée. On vit dans un monde de dingue. Il va falloir que les groupes et les directeur·rice·s se responsabilisent à ce sujet” conclue-t-elle.

Si aucun partenariat n’est trouvé avant le 1er juillet, l’épicerie Feed the Culture sera contrainte de fermer ses portes.

E.D – Photo : Renaud Masson