L’éditorial de Fabrice Grosfilley : montrer l’exemple

Dans son édito de ce jeudi 9 novembre, Fabrice Grosfilley revient sur les prises de position sur le conflit israélo-palestinien.

Pourquoi vous parlez encore du Proche-Orient ce matin ? Revenir sur Gaza, reparler d’Israël ? Tant de choses ont déjà été dites, le débat public est saturé d’interventions en tous genres, à quoi cela servirait-il d’ajouter mon grain de sel, de “pondre” un édito de plus sur le sujet ? Ce sont les questions que je me posais ce matin en préparant cette intervention. J’avoue un sentiment d’inutilité, d’impuissance, de découragement aussi. Et, en même temps, l’impossibilité de détourner le regard. On ne peut pas se laver les mains de ce qui se passe au Proche-Orient, être indifférent à la souffrance, s’habituer à la violence, s’accommoder des injustices. Nous sommes, comme Sisyphe, condamnés à répéter jour après jour que toutes les violences sont condamnables. Que les actes atroces nous soient insupportables d’où qu’ils viennent. Qu’il n’y ait pas une violence qui serait légitime et une autre qui ne le serait pas, un peuple qui aurait le droit d’exister et un autre qui ne l’aurait pas.

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Quitte à être redondant et à ne rien changer à la face du monde, il n’y pas de justifications aux crimes commis par le Hamas le 7 octobre, leur sauvagerie, leur sadisme. Il n’y a aucune justification, non plus, aux bombardements massifs commis depuis par l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Ces immeubles réduits à de la poussière, ces quartiers rayés de la carte, ces milliers de victimes, hommes, femmes et enfants qui n’avaient que le tort d’être nés palestiniens, et de se trouver à leur domicile ou dans un camp de réfugiés au moment où la bombe leur est tombé dessus. On est autant révolté par la mort d’un enfant israélien que par la mort d’un enfant palestinien. Et on pourrait traduire cette double indignation par cette double recommandation : poursuivre et faire condamner les dirigeants du Hamas et ceux qui les soutiennent et financent. Poursuivre et condamner ceux qui en Israël décident de ces bombardements massifs et indifférenciés. Et, surtout, mettre une pression maximale pour que les atrocités s’arrêtent. Des deux cotés et immédiatement.

Pourtant, dans notre débat public, ce n’est pas cela que l’on entend. Ce sont les contorsions des uns qui n’arrivent pas à condamner le Hamas, les hésitations complices des autres qui ne veulent pas mettre de pression sur Israël. Choisir un camp plutôt que l’autre quand on est face à deux visages de la haine, c’est forcément être dans l’erreur. C’est manquer de loyauté et de compassion aux victimes de l’un des deux camps. C’est se rendre soi-même coupable d’une ignominie. Dans ce conflit particulièrement violent et inextricable, il ne peut pas y avoir la victoire de l’un sur l’autre. Parce que la victoire de l’un signifie la disparition de l’autre et que, moralement, humainement, c’est une issue que nous ne pouvons supporter. Alors quand les polémiques s’enchaînent, que les élus ou autres personnes publiques dérapent, que les réseaux sociaux s’enflamment, on voudrait rappeler (notamment au monde politique dont on a la faiblesse de croire qu’il nous écoute ou nous lit parfois), que la violence verbale, cela reste de la violence. Et qu’il ne suffit pas de dire “n’importons pas le conflit chez nous“… quand tant de déclarations, tant d’attitudes, parfois dictées par des convictions profondes, parfois motivées par des considérations électorales, sont en train d’aboutir au résultat contraire… Il appartient à ceux qui sont influents de montrer l’exemple, s’ils ne souhaitent pas que notre débat public se transforme, lui aussi, en champ de bataille.

Fabrice Grosfilley