L’éditorial de Fabrice Grosfilley : Conner Rousseau, le racisme façon canada dry

Il a le sens de la communication, Conner Rousseau. On lui reproche d’avoir tenu des propos racistes dans un café ? Il retourne dans ce café pour y organiser une conférence de presse. Les propos sont enregistrés par la bodycam des policiers ? Il attaque en justice pour interdire leur diffusion. La police judiciaire l’auditionne et la possibilité d’avoir à rendre des comptes se précise ? Il présente des excuses. Les propos racistes sont avérés ? Il promet qu’il arrêtera de boire. Hier soir, le président de Vooruit a donc organisé un show médiatique pour allumer une sorte de contrefeux et se tirer d’une mauvaise affaire dans laquelle il s’est fourré tout seul. Une table de bistrot pour poser les micros, un rideau rouge derrière lui et toute la presse flamande dans la salle.

Pour comprendre, il faut remonter à la nuit du 1ᵉʳ au 2 septembre. Dans ce café de Sint-Nicklaas, une ville de 80 000 habitants qui se trouve entre Anvers et Gand. Ce soir-là, le président de Vooruit a bu, visiblement beaucoup bu. Il n’est pas le seul, ça arrive dans beaucoup de cafés. La police arrive pour tapage nocturne. Le président de parti s’en prend aux policiers. Et il commence à leur expliquer que plutôt que de s’occuper de ce tapage nocturne, ils feraient mieux de s’en prendre à une communauté Roms présente dans la localité. ‘Tu ferais mieux d’utiliser ta matraque plus souvent. C’est le seul moyen de gagner leur respect” dit notamment Conner Rousseau. Les propos ont été enregistrés par la bodycam de la police. Ce qui ressemble à une incitation à la haine raciale, le président de Vooruit a d’abord voulu le minimiser, parlant d’une simple blague. Puis quand il a compris qu’il avait été enregistré, il a ensuite entrepris de bloquer la diffusion de ses propos, en obtenant de la justice que leur reprise par les médias soit interdite au nom du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence. Hier soir, il a fini par reconnaitre qu’il avait bel et bien dérapé.

“Je suis un peu effrayé par moi-même. C’était une faute et je veux m’en excuser […] je rejette cette déclaration, même si c’est celle d’une personne ivre et que c’était pour rire. Il est clair qu’il s’agissait de divagations d’une personne bourrée. Mais je prends mes distances avec ces propos, car ils sont à mille lieues de ce que je suis”, et Conner Rousseau d’affirmer que lui raciste, il ne l’est pas  : “toute ma vie, je me suis investi en faveur des jeunes, des gens vulnérables, je me suis battu pour l’égalité des droits et des chances, et je continuerai à le faire”.

Ces dénégations de Conner Rousseau suffiront-elles à éteindre l’incendie ? Pour instant, on ne le sait pas encore. Dès hier soir, un certain nombre d’associations et de personnalités prenaient leurs distances avec le leader des socialistes flamands. “Le racisme reste du racisme. Il n’existe pas de circonstances atténuantes pour cela”, a réagi la co-présidente de Groen, Nadia Naji. “Parfois la solution est pire que le problème” a aussi twitté Zakia Khattabi, Ministre fédérale du Climat, critiquant donc la ligne de défense du dérapage liée à un abus de boisson, tandis que de son côté Hadja Lhabib, ministre des Affaires étrangères postait trois petites phrases assassines : “le racisme pour rire, c’est du racisme. Le racisme ivre, c’est du racisme. Le racisme après excuses reste du racisme.”

Tous les Bruxellois qui ont un peu de mémoire se rappellent que Conner Rousseau avait déjà beaucoup choqué en affirmant qu’il ne se sentait pas chez lui en traversant Molenbeek. Des propos qu’il avait tenus il y a plus d’un an, en avril 2022, qu’il n’avait jamais retirés et dont il s’était défendu en affirmant qu’il ne pouvait pas être soupçonné de racisme. L’erreur est humaine. Persévérer dans l’erreur est diabolique, dit le dicton.  La vraie nature du populaire président de parti, celle qui ressort quand l’alcool fait tomber le masque de la convenance, est donc de rejeter et stigmatiser ceux qui ne lui ressemblent pas. Rouseau fait du racisme canada dry, cette boisson sans alcool lancée à grand renfort de publicité qui prétendait avoir le gout de l’alcool sans en avoir les inconvénients. Le problème, c’est que le canada dry n’a jamais fait diminuer la consommation de bière ou d’autres alcools.  Et qu’à courir derrière les positionnements du Vlaams Belang, on finit par les légitimer. Pour les socialistes flamands, ce n’est pas un point de détail. D’abord parce qu’on ose croise que les dérapages de leur président vont incommoder quelques membres du parti. Et au-delà, parce que Conner Rousseau et son omniprésence médiatique ont permis à Vooruit de remonter dans les sondages. Prendre Conner Rousseau en défaut, c’est mettre en difficulté le parti tout entier. C’est le désavantage de ces hyper-présidents dont l’image finit par se confondre avec leur formation politique tout entière. Quand le jeune homme providentiel se prend tout seul les pieds dans le pack de Duvel, de simples excuses ne suffisent pas.