L’édito de Fabrice Grosfilley : voir loin, agir près

C’est un voyage dans l’espace, doublé d’un voyage dans le temps. Le télescope James Webb a envoyé ses premières images. Le résultat est époustouflant. À la fois pour les scientifiques, mais aussi pour le commun des mortels que nous sommes vous et moi.

Ces spectaculaires clichés sont le résultat d’un voyage commencé il y a déjà sept mois, lorsque la fusée Ariane 5 a lancé ce télescope qui se trouve désormais à 1,5 million de kilomètres de la planète Terre. Si je parle de voyage dans l’espace et aussi dans le temps, c’est parce que les lumières captées par James Webb sont des sources lumineuses qui se trouvent à des milliards d’années-lumière. Ce que nous allons voir grâce à ces clichés, c’est l’univers tel qu’il a existé dans le passé, au moment où ces lumières très lointaines ont été émises. Plus elles sont lointaines, plus elles sont vieilles. On va peut-être pouvoir remonter jusqu’aux portes du Big Bang.

Mieux vaut une image qu’un long discours. Voici donc un premier cliché envoyé par James Web : l’amas de galaxies Smacs 0723. Au premier plan, les sources les plus brillantes, sont donc les plus récentes. Les petits points à peine visibles sont, eux, très éloignés et appartiennent aux premiers temps de l’univers. La grande étoile brillante avec ses 8 branches se trouve dans notre galaxie. Si on regarde en dessous, on peut distinguer un petit amas de points lumineux et ces arcs orangés qui sont une déformation de l’espace-temps. En photographiant à travers une galaxie, c’est comme si on zoomait à travers une seconde lentille, on voit donc derrière ces objets, d’autres objets qui sont encore plus loin. Autre image très spectaculaire, si vous regardez sur la droite, on voit clairement une galaxie, avec ses bras en spirales, cette forme très particulière.

Vous l’avez remarqué, on distingue plusieurs couleurs différentes. C’est ce qui va le plus intéresser les scientifiques. Le télescope capte des lumières infrarouges. Derrière chaque point lumineux, les scientifiques vont pouvoir définir un spectre, une sorte de longueur d’onde. Avec cette spectroscopie, ils pourront définir les composants chimiques qui sont à l’origine de ces différentes lumières : du souffre, de l’oxygène, de l’hydrogène.

Pour bien comprendre le pas de géant que nous venons de faire, voici ci-dessous une image, de la même région du ciel, prise par le télescope Hubble à la fin des années ’90. C’est moins précis. La galaxie, dont on distinguait les bras en spirale avec James Webb, se devinait plus qu’elle ne s’observait. Cette image, Hubble avait mis plus de deux jours à nous l’envoyer. Une image équivalente avec James Webb nous parvient en à peu près une heure.

 

« C’est un jour historique », a commenté Joe Biden en publiant cette première image. Au total, il y a cinq régions distinctes que le super télescope a pu photographier. Outre Smacs 0723, il y aura deux nébuleuses assez proches de nous (photos en tête d’article), dont une où on espère pouvoir observer la naissance de futures étoiles, une exoplanète dont on devrait pouvoir analyser la composition chimique et même une zone de collision où plusieurs galaxies s’entrechoquent pour n’en former plus qu’une. C’est tout le paradoxe de l’actualité et de notre condition humaine : voir très loin grâce à la science, tout en étant incapable, avec la guerre en Ukraine ou face au réchauffement climatique, d’éviter des catastrophes qui sont pourtant très proches.

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