L’édito de Fabrice Grosfilley : vers la fusion des zones de police ?

Dans son édito de ce vendredi 18 octobre, Fabrice Grosfilley revient sur la note de travail de l’Arizona.

Ce n’est à ce stade qu’une note de travail. Elle peut donc encore être amendée, corrigée, voire refusée. Mais elle est sur la table, et elle indique une direction claire. La fusion des zones de police sera au menu de la coalition Arizona en cours de négociation à l’échelon fédéral. Le document se retrouve à la une du Soir et de L’Écho. Il précise qu’il convient de doter les six zones de police bruxelloises “d’un commandement unique”, afin d’obtenir “une plus grande unité de vision et de leadership”, car “ces dernières années, il est à nouveau apparu clairement que la politique de sécurité à Bruxelles était trop fragmentée”. Fin de citation. Sauf retournement de situation, nous sommes donc en route pour une seule zone de police pour toute la Région bruxelloise. Un scénario qui était jusqu’à présent refusé par la conférence des bourgmestres, mais aussi par les commissaires en chef. Les chefs de zone estiment que ce n’est pas très efficace ; ils préfèrent mettre en avant une coordination qui existe déjà, avec le Gold Commander en cas d’événements qui dépassent les frontières communales. C’est vrai qu’on peut douter qu’entre la zone Midi et la zone Montgomery, les problèmes à traiter soient les mêmes. Pire, on pourrait même craindre qu’en cas de zone unique, dans un contexte économique tendu, on dépeuple la zone Marlow pour renforcer la zone Nord, par exemple. Bref, cela risque de faire débat, mais pour les partisans de la fusion, qui sont tous les partis néerlandophones, il y a désormais une fenêtre d’opportunité. Il suffit d’une majorité simple à la Chambre pour faire passer cette réforme, et puisque le parti qui s’y oppose le plus, le Parti Socialiste, ne sera pas dans la prochaine majorité, c’est le moment ou jamais.

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Deuxième point de la note : la suppression des salles de consommation pour les usagers de drogues dures. “Nous demandons à la Ville de Bruxelles de fermer la salle de consommation qu’elle a installée“, indique-t-on. “Avec l’arrivée de cette salle de consommation près de la gare du Midi, une zone de tolérance s’est installée dans un rayon de 500 mètres, créant beaucoup de nuisances et agissant comme un aimant pour les vendeurs et les consommateurs de drogue.” Les professionnels et les associations de terrain soutiennent pourtant ce principe. À noter qu’une deuxième salle de consommation est d’ailleurs en cours de création. Sur ces deux points – fusion des zones de police et fermeture des salles de consommation encadrée –, c’est donc le clash assuré qui se profile entre la future coalition fédérale d’un côté et les bourgmestres bruxellois de l’autre. Le gouvernement bruxellois, lui, se trouve dans une zone grise à ce stade puisque les négociations n’ont pas encore réellement débuté, et qu’on ne sait pas comment David Leisterh, Ahmed Laaouej, Christophe De Beukelaer et les négociateurs flamands du futur gouvernement pourront accorder (ou pas) leurs violons sur ces questions.

Dans cette note sur la sécurité, on trouve aussi le principe d’une interdiction de manifester pour les personnes ayant commis des violences lors d’une manifestation précédente, ainsi que l’installation de caméras biométriques dans les stades de football afin de faire respecter les interdictions de stade pour les hooligans. Interdictions dont on sait qu’elles ne sont pas toujours respectées. Et puis, une idée plus large encore : celle de confier plus de responsabilités aux polices locales, en réduisant et en ramenant la police fédérale à des tâches essentielles, comme la lutte contre la criminalité organisée. En clair, des tâches administratives ou l’organisation du recrutement, que la police fédérale gère au niveau national pour tout le monde, seraient donc renvoyées vers les polices locales.

Voici pour les grandes lignes. On verra ce que la négociation donnera dans le détail. À ce stade, en guise de premiers commentaires, on rappellera que la lutte contre le trafic de drogue n’est pas qu’un problème sécuritaire. C’est aussi un problème social et un problème de santé publique. Il faudra plus que la fermeture d’une salle de consommation pour venir à bout des assuétudes. Deuxième remarque : la porte d’entrée de la drogue, c’est le port d’Anvers. Cela n’a évidemment pas échappé à Bart De Wever. Au-delà de la police, c’est aussi l’action des services de la douane qu’il faudra renforcer. Mais là aussi, cela ne suffira pas. Si la drogue passe moins facilement par Anvers, on peut faire confiance aux trafiquants pour trouver d’autres routes… par Rotterdam, par Le Havre, par Marseille. Le combat est nécessaire, mais il faut avoir la lucidité de savoir qu’il s’inscrira dans la durée. Enfin, dernier point : la sécurité demande des investissements. Les zones de police bruxelloises sont en sous-effectifs. Elles sont aussi sous-financées. La fameuse norme KUL, qui définit les règles de financement, leur est défavorable. Si on doit entrer dans un “big bang” de la sécurité, il faudra que les négociateurs francophones soient aussi attentifs à cette question. Et qu’on ne constate pas, dans quelques années, qu’au-delà des discours martiaux contenus dans les accords de gouvernement, on a finalement décidé, au plan budgétaire, de faire des économies sur le dos de la sécurité.

Fabrice Grosfilley

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18 octobre 2024 - 12h35
Modifié le 18 octobre 2024 - 12h35