L’édito de Fabrice Grosfilley : tram liégeois et métro 3, même combat ?

Il n’y aura donc pas d’extension du tram à Liège. Ainsi en a décidé la nouvelle majorité au pouvoir en Région wallonne. L’extension vers les communes d’Herstal et de Seraing sera finalement réalisée par des lignes de bus. L’avantage de cette formule est une extension plus longue avec plus d’arrêts, pour un coût total annoncé de 264 millions d’euros au lieu des 370 millions envisagés pour l’extension du tram.

En quoi cette décision wallonne nous concerne-t-elle à Bruxelles ? Parce qu’il est difficile de ne pas faire un parallèle entre ce qui se passe en Wallonie et ce qui se passe en Région bruxelloise, où les négociations pour former le prochain gouvernement régional associent les deux partis MR et Engagés, qui gouvernent désormais ensemble en Région wallonne, à d’autres partenaires. Il serait étonnant que le MR et les Engagés défendent une ligne d’économie à Namur, mais optent pour plus d’endettement à Bruxelles. Avec cette réserve cependant qu’à Bruxelles, ils ne gouverneront pas seuls. Il leur faudra des partenaires pour former une majorité. Parmi ces partenaires figure notamment le Parti socialiste, fervent défenseur du métro.

D’ailleurs, officiellement, jusqu’à présent, le MR aussi est un partisan de l’extension du métro vers Schaerbeek et Evere (Christophe De Beukelaere des Engagés, pendant la campagne, se voulait prudent). Une extension que les libéraux francophones recommandaient de financer par un système de partenariat public-privé. À Liège, le projet de tram reposait aussi sur cette logique du partenariat public-privé. Le consortium Tram Ardent, qui est chargé de construire et d’entretenir la ligne et de livrer le matériel roulant, agit au nom de l’organisme public wallon qui lui verse en retour une rente trimestrielle. L’accord est valable jusqu’en 2050. À la facture actuelle de 500 millions, il fallait donc ajouter 355 millions pour le prolongement de la ligne aux deux extrémités. À Liège, on parle en centaines de millions. À Bruxelles, vous ne l’ignorez pas, on raisonne en milliards : 4,7 milliards au total pour le projet dans son intégralité.

Depuis hier et tout au long de la semaine prochaine, les six partis pressentis pour former la prochaine majorité bruxelloise planchent sur le budget. Il ne s’agit officiellement pas réellement d’une négociation, puisque ces six partenaires n’ont pas de majorité dans le collège néerlandophone, mais ces discussions sont quand même l’occasion de soulever le capot et de voir ce qu’il y a vraiment dans le moteur budgétaire de la Région bruxelloise. À politique inchangée, on risque un endettement de 2,4 milliards l’année prochaine, affirmait David Leisterh dans notre studio et ailleurs en début de semaine. Une manière d’attirer l’attention de ses potentiels partenaires sur la nécessité de faire des économies.

Alors, ce métro 3 à Bruxelles, comment allons-nous le financer ? Il y a la piste du partenariat public-privé, sur laquelle Sven Gatz (Open VLD) a déjà avancé. Pour beaucoup d’observateurs, cela reviendra à alourdir au final la facture, mais cela a un avantage : lisser l’investissement sur le long terme, et ne pas mettre les finances régionales à trop forte contribution dans un premier temps. Ce qu’on ne débourse pas aujourd’hui, on finira malgré tout par le payer plus cher sur le long terme. L’alternative consiste à demander une intervention forte du fédéral. Pour cela, il faudra que le Mouvement Réformateur et les Engagés s’engagent réellement et se montrent convaincants. Puisque le PS n’est plus au fédéral, c’est à ces deux partis de la coalition azur qu’il reviendra de convaincre la N-VA, entre autres, que le projet de métro est d’intérêt national. Quand on voit que les premières négociations de la coalition Arizona avaient plutôt prévu de diminuer l’enveloppe Beliris, on sait que la partie est loin d’être gagnée.

La réalité crue, c’est que l’extension du métro sera bien à charge du budget de la Région bruxelloise. Qu’il faudra donc payer le métro. On peut lisser l’investissement, l’étaler sous forme de remboursement sur le long terme, mais on ne pourra pas s’y soustraire. L’obligation de prendre très prochainement une décision à la sauce liégeoise ou d’inspiration namuroise — en clair, renoncer au métro et préférer des alternatives moins onéreuses, même si elles sont moins efficaces — est une réalité budgétaire qui risque fort de nous rattraper dans les prochaines semaines.

Fabrice Grosfilley

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30 août 2024 - 11h38
Modifié le 30 août 2024 - 11h38