L’édito de Fabrice Grosfilley : Petit-Château, une faillite belge
Il n’y a donc pas eu d’amélioration au Petit-Château. Pire, le personnel a décidé de partir en grève ce mardi pour dénoncer la situation chaotique qui y règne depuis le début de l’été.
Le “Petit-Château”, c’est ce centre où doit s’enregistrer chaque demandeur d’asile. La première étape d’une procédure qui va durer des mois. Au final, le demandeur sera soit débouté et prié de quitter le territoire, soit considéré comme réfugié ayant le droit de séjourner en Belgique. Ce point de passage est donc obligatoire. Une exception : les Ukrainiens auxquels le statut de protection temporaire est accordé de manière automatique sur base de la nationalité. Eux ne doivent pas faire la file au Petit-Château.
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Depuis le début de l’été, on assiste à une nette remontée du nombre de demandeurs d’asile qui arrivent en Belgique. Ils sont Afghans, Burundais, Géorgiens, entre autres. Ils arrivent en Belgique au terme d’un long voyage, avec l’espoir de recommencer une vie qu’on serait tenté de qualifier de “normale.” Car ce que la plupart de ces demandeurs fuient, ce sont la guerre ou les persécutions. On ne parcourt pas des milliers de kilomètres et ne prend pas autant de risque pour le plaisir.
Et donc à l’arrivée à Bruxelles, ça coince. Cet été, le Petit-Château est devenu un goulot d’étranglement. Il y a chaque jour plus de demandeurs que ce que le centre est en mesure d’absorber. Ils sont du coup 100, 150 à dormir dehors, histoire de ne pas perdre leur place dans la file du lendemain. Outre qu’il est assez indigne de laisser ces personnes dehors sans eau et sans sanitaire, cela crée des nuisances pour les voisins et cela ne règle pas le problème. Le centre est sous-dimensionné et c’est une volonté délibérée. Car une fois que la demande d’asile a été enregistrée, l’État belge a l’obligation d’héberger les demandeurs. Ce sont les règles internationales. Or les centre Fedasil sont à saturation. On a bien ouvert quelques centaines de places dans des casernes, mais ce n’est pas suffisant. En limitant l’accueil au Petit-Château, on limite le nombre de personnes à loger ensuite. C’est la technique de l’entonnoir.
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Sur les pancartes du personnel de Fedasil, ce midi, on pouvait lire des slogans comme “ça suffit”, ou “le Petit-Château ne doit pas être une forteresse.” Une allusion aux conditions tendues dans lesquelles ce personnel travaille depuis plusieurs semaines. Face à la crise, les autorités ont tenté plusieurs parades. Ne plus mettre la file derrière le bâtiment, mais devant. Faire deux flux séparés, l’un pour les femmes et les enfants, l’autre pour les hommes. Faire intervenir la police pour évacuer les malheureux qui ne veulent pas partir en fin de journée. Cela ne suffit pas. Le drame du Petit-Château, c’est qu’il concentre deux fonctions en une. Cette fonction de guichet d’accueil où on dépose sa demande coexiste avec un centre d’hébergement qui accueille environ 700 personnes. Les uns doivent faire la file, les autres doivent avoir la liberté d’entrer et sortir librement. Ce n’est pas le plus simple à gérer.
Face à cette crise, il n’y aura pas des milliers de solutions. La seule réponse possible est d’augmenter le nombre de fonctionnaires pour accélérer le traitement des dossiers et de trouver des solutions d’hébergement pour les personnes qui sont en cours de procédure. Plusieurs ONG ont ainsi suggérer de louer des hôtels. Pour la majorité fédérale, cette option n’est pas recevable. Trop coûteuse et symboliquement dérangeante : l’opinion publique (surtout en Flandre) ne l’accepterait pas, dit-on. On préférait donc créer cette file aux portes du Petit-Château. Quand les demandeurs d’asile font la file debout, nuit après nuit, c’est sur nos obligations internationales et une partie de notre dignité que l’État belge est en train de s’asseoir.