L’édito de Fabrice Grosfilley : manifs et politique
L’édito de Fabrice Grosfilley, ce mercredi 14 juin.
Un président de parti qui prend le coup poing d’un policier à hauteur de la tempe. C’est la petite vidéo diffusée par le parti d’extrême-droite flamand, le Vlaams Belang, hier, en marge de la manifestation du secteur non marchand. Commentaire interprétatif de l’extrême-droite : c’est le bourgmestre de Bruxelles, le socialiste Philippe Close qui a donné ordre à la police de maltraiter ce parti, déni de démocratie, on a empêché le Belang de manifester. La version de la police est très différente : les policiers ont effectivement maintenu les élus du VB à l’écart de la manifestation parce que leur présence n’était pas souhaitée par les syndicats. Il s’agissait donc d’éviter une confrontation frontale et une bagarre générale. Les élus du VB, dont leur président Tom Van Grieken ont contesté cette décision de la police, ils ont refusé d’obéir aux injonctions et tenté de de forcer le barrage. Bousculade donc, il y a bien eu. C’est au cours de cette bousculade que l’on voit un coup partir en direction du visage de Tom Van Grieken.
L’incident n’est sans doute pas aussi important que voudrait le faire croire le Vlaams Belang. Mais il est effectivement rare qu’un président de parti se retrouve ainsi dans une confrontation frontale avec la police. Et il est encore plus rare qu’un policier, dans l’énervement général, porte un coup sur une personnalité politique de premier plan. Il faut rappeler qu’avec 18 députés à la chambre sa formation politique est aujourd’hui l’un des premiers partis de Flandre, même en passe d’être le premier si l’on en croit les derniers sondages.
L’incident est révélateur de plusieurs éléments. D’abord de l’indiscipline des dirigeants du Vlaams Belang. Un parti qui aime l’ordre mais à conditions que ce soit lui qui en décide. Quand un policier en uniforme donne une injonction, ça ne compte pas. Et si le VB n’a diffusé qu’un tout petit extrait de cet incident, la vidéo dure moins de 20 secondes, c’est bien parce qu’avant d’en arriver à ce geste malheureux les dirigeants du parti d’extrême-droite se sont comportés comme de vulgaire activistes, voir de petits voyous qui aiment aller au contact des fores de l’ordre, les provoquer, les houspiller. C’est une tendance historique de l’extrême droite qui n’hésite jamais a jouer des coudes et du biceps dans ses manifestions et où le service d’ordre peut tour à tour maintenir l’ordre et protéger ses troupes, mais aussi faire le coup de poing, courser des contremanifestants et forcer des barrages des polices.
Deuxième élément : la police fait son boulot y compris lorsqu’on a affaire à des députés ou à des dirigeants de parti. Personne n’est au dessus des lois. Le policier a sans doute commis une faute en lançant un coup de poing, mais il est salutaire de voir que les forces de l’ordre ne déroulent pas le tapis rouge à des militants d’extrême-droite, fussent-ils en costume cravate. Après cette successions d’affaires où la police est accusé d’être violente avec des jeunes bruxellois, cette image-là ne fait pas de tort. Elle ne suffira cependant pas à contrebalancer l’image d’une police qui est plus violente dans les quartiers populaires que dans les beaux quartiers.
Enfin, 3e leçon, la propension des partis politiques à vouloir récupérer les mouvements sociaux à leur profit, qui trouve ici ses limites. Hier, lors de cette manifestation du non-marchand, il y avait aussi le PTB (en force, comme à chaque manifestation), des représentants du PS et aussi Conner Rousseau, le président de Vooruit, le parti socialiste flamand, parti de Franck Vandenbroucke ministre de la santé, alors que de nombreux slogans visaient justement les économies faites dans le secteur des soins de santé. Les syndicats tolèrent évidement plus facilement les partis de gauche que l’extrême-droite pour défiler à leur côté. Mais ça pose quand la question du rôle de chacun. La fonction du politique c’est de légiférer, d’accorder des budgets, de trouver des solutions, de mettre en place et de soutenir un gouvernement qui tranche (quand on est dans la majorité) ou de tenter de corriger des décisions qui iraient dans le mauvais sens (quand on est dans l’oppostion). Peut-être pas de manifester contre ses propres décisions.
Fabrice Grosfilley