L’édito de Fabrice Grosfilley : les deux Bruxelles
Politico est un site d’information spécialisé dans la politique, qui existe depuis quelques années aux États-Unis et qui s’est désormais installé en Europe. Chaque année, il dévoile un classement des personnalités qu’il considère comme les plus influentes. Un classement révélé au cours d’une soirée de gala. Cette cérémonie a eu lieu mardi dernier, au Square, sur le Mont des Arts. 150 invités triés sur le volet : des membres de la presse, des décideurs européens, des députés, des membres de la Commission, des lobbyistes et des ambassadeurs. L’idée, raconte la journaliste du Monde, c’est de s’inspirer du traditionnel dîner des correspondants des médias à la Maison-Blanche – code vestimentaire compris : smoking et robe de soirée.
Cette année, Politico a eu un palmarès qui penchait clairement à droite, voire à l’extrême droite. Personnalité de l’année : Giorgia Meloni. Personnalité la plus puissante : Ursula von der Leyen, tout de même. Mais figurent également dans le classement de Politico des noms comme ceux de Marine Le Pen, Vladimir Poutine ou Viktor Orbán. En revanche, aucune mention d’Olaf Scholz, chancelier allemand, ou d’Emmanuel Macron, président français. Penser que la direction des affaires européennes peut se faire sans le traditionnel couple franco-allemand, c’est un classement qu’on peut qualifier de “disruptif”. L’an dernier, déjà c’était Matteo Salvini qui s’était retrouvé en tête du podium.
« Politico aime bien provoquer, faire le buzz, ça leur fait un bon coup de communication », décrypte un communicant que cite la journaliste du Monde avant de noter que, malgré ce palmarès très particulier, aucun invité n’a quitté la salle. Il faut dire qu’après le palmarès était organisée une after-party sponsorisée… par TikTok. Ce réseau chinois qui vient d’être accusé d’avoir contribué à manipuler les résultats de l’élection présidentielle en Roumanie. Le loup chinois est dans la bergerie européenne, mais tant qu’il paye la fête, cela ne semble pas poser problème.
À l’opposé de cette bulle européenne, il y a ceux qui n’ont pas de revenu ou qui dépendent de l’aide sociale. On apprend ainsi ce matin, dans une étude de Solidaris, que près de 41 % des Belges francophones ont renoncé à une prestation de santé cette année. Cela concerne près d’une femme sur deux et un homme sur trois. En parallèle, c’est aujourd’hui le lancement de l’opération Viva for Life, portée par nos collègues de la RTBF. Une initiative destinée à récolter des fonds pour aider les enfants en difficulté. On peut penser ce qu’on veut des opérations caritatives de ce genre : leur côté voyeurisme, l’effet “feu de paille” qui fait qu’on en parle deux semaines avant Noël puis qu’on oublie le reste de l’année, ou encore cet appel à la générosité populaire qui doit pallier le manque d’implication des pouvoirs publics et de notre société dans la lutte contre la pauvreté. Il n’empêche que la santé et le bien-être de 80.000 enfants en Fédération Wallonie-Bruxelles sont aujourd’hui menacés. En région bruxelloise, 4 enfants sur 10 vivent dans une famille dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté.
C’est ça, l’autre réalité bruxelloise. Celle dont les smokings et les robes de soirée réunis au Square pour rendre hommage à Giorgia Meloni n’avaient probablement pas conscience.
Fabrice Grosfilley