L’édito de Fabrice Grosfilley : “la justice, pas la vengeance”
La réclusion à perpétuité pour Salah Abdeslam et Mohamed Abrini. 8 ans pour Mohammed Amri et Yassine Attar, 5 ans pour Ali Oulkadi, 4 (dont deux avec sursis) pour Hamza Atou et Abdellah Chouaa : voici quelques-unes des peines prononcées hier soir par la justice française. Avec ces condamnations, la vérité judiciaire sur les attentats du 13 novembre est désormais établie.
Au total, 7 peines de réclusions à perpétuité ont été prononcées. Outre Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, elles concernent des hommes présumés morts ou en fuite : Oussama Attar, commanditaire des attentats, Ahmed Damani, le logisticien, les Français Jean-Michel et Fabien Klein qui avaient revendiqué l’attaque. Mohamed Bakkali qui avait loué des planques et ravitaillé des terroristes, et Ossama Krayen qui est impliqué dans les attentats de Bruxelles écopent tous les deux une peine de 30 ans. Avec les “petites mains”, Hamza Attou par exemple, qui a ramené Abdeslam de Paris à Molenbeek, la justice a été plus clémente.
Cette diversité des sentences, qui visent plusieurs Bruxellois, correspond à l’idée que nous devons nous faire de la justice. La justice, c’est la condamnation de chacun en fonction de la gravité des actes qu’il a posés. Une peine individualisée et pas une sanction collective. La punition des actes et pas des idées. Une condamnation sur base de preuves qui aura nécessité des mois d’enquêtes et de recoupements. La possibilité de se défendre. De se taire ou de parler face à la cour qui vous juge. Autant d’éléments qui participent à ce que nous appelons l’État de droit. Autant de protections auxquelles les victimes des attentats n’ont pas eu droit, elles ont qui ont été tuées au nom d’une idée, juste parce qu’elles se trouvaient dans cette ville-là, à ce moment-là, sans que les terroristes n’aient personnellement rien à leur reprocher.
Hier soir, il y avait un évident contraste entre la sérénité avec laquelle cette justice a été rendue et la violence de ce que Paris a pu connaitre le 13 novembre 2015. Entre la dignité des victimes et de leur famille venues écouter la lecture du verdict et la colère froide de ceux qui ont été impliqués dans ces attaques, leur refus de collaborer, leur silence face à la cour. Deux attitudes qui traduisent deux visions du monde à l’opposé l’une de l’autre.
Cette vérité judiciaire fait partie du cheminement que les victimes doivent accomplir pour retourner vers un semblant de vie « normale ». On met d’énormes guillemets à cette expression qui ne veut rien dire, surtout que dans leur cas, quand on a été blessés, qu’on a vu la mort de près, qu’on a perdu un être cher, c’est un évènement qui vous marque à jamais et qu’il sera évidement impossible à oublier. Mais cette condamnation, c’est pour ces victimes la reconnaissance de leur statut de victimes. C’est aussi la confirmation qu’à travers la justice, c’est la société dans son ensemble qui condamne et sanctionne ces attaques. Avec une conclusion qui s’impose, évidente, limpide : la justice est passée. Elle est précise et éclairée. Cela n’a rien à voir avec la vengeance, qui est aveugle et meurtrière.
Fabrice Grosfilley