L’édito de Fabrice Grosfilley : la fibre pour tous, vraiment ?
C’est une petite cérémonie symbolique. Ce matin, l’Atomium est devenu le millionième bâtiment connecté à la fibre optique. Un million de bâtiments avec comme occupants des entreprises ou des particuliers, cela veut dire 17% des Belges sont désormais connectés à cet internet ultra-rapide.
Ce déploiement de la fibre est exponentiel chez nous. À la fin de l’année, ce ne sont plus 17, mais 22% de la population belge qui pourra se connecter à la fibre. L’objectif est de pouvoir couvrir 70% des Belges d’ici à 2028. Chaque année, 10% de foyers supplémentaires se voient proposer un accès à la fibre optique. Ces chiffres, ce sont l’entreprise Proximus qui les donnent. L’opérateur a profité du raccordement de l’Atomium pour se faire un peu de pub.
La bonne nouvelle, c’est qu’à Bruxelles, les habitants du pentagone, de certains quartiers de Saint-Gilles, Forest, ou Uccle ont d’ores et déjà accès à la fibre optique. Les travaux sont en cours pour une partie d’Ixelles, de Schaerbeek, d’Anderlecht ou d’Evere. L’accès à la fibre permet un gain de temps dans la navigation et les téléchargements. Pour ceux qui veulent travailler sur un document à distance, la possibilité de télécharger en 12 secondes, ce qui prend trois minutes en temps normal. Pour les jeux vidéos gros consommateurs de bande passante, une vitesse qui est à peu près trois fois supérieure aux meilleures connections hors fibre.
Dans le monde qui est le nôtre, après avoir expérimenté le télétravail pour cause de Covid-19 et alors que les déplacements deviennent moins évidents que hier que ce soit pour des raisons environnementales ou des raisons économiques vu le prix des carburants, avoir la fibre est un avantage. Demain, avoir ou pas la fibre sera même un critère pour une entreprise pour s’installer ou pas dans une localité. Alors oui, Proximus met les bouchées doubles. Cela ne veut pas dire que nous fassions la course en tête. La France a prévu de connecter la majorité de ses territoires dès la fin de cette année. En Île-de-France, dans le Nord-pas-de-Calais, en Alsace, dans le Languedoc, dans toutes ces régions françaises, le taux de raccordement est déjà de plus de 80%. Même chose aux Pays-Bas. N’en déplaise à Proximus, à Telenet et tous les autres, avec nos 17%, nous ne sommes donc vraiment pas en avance.
Deuxième problème à pointer, l’inégalité des Bruxellois face à ces nouvelles technologies. Une chose est d’avoir la fibre, une autre est d’en avoir l’utilité. Pour avoir la fibre, cela ne dépend pas de vous. C’est l’opérateur qui décide de vous basculer automatiquement. Attention quand même à la facture. Alors que l’abonnement de base tourne aux alentours de 30 euros en temps normal, cela grimpe à 50 euros une fois que la fibre est installée. Vous ajoutez un R au mot facture et vous arrivez à fracture, la fracture numérique qui fait que certains resteront à l’écart de ces développements.
Cette question à Bruxelles doit particulièrement nous mobiliser. Selon une étude la fondation Roi Baudoin, 90% des Belges ont accès à internet… mais 29% des ménages les plus pauvres ne l’ont pas. Parmi les personnes à faible revenu, une personne sur deux n’a jamais fait d’achat en ligne. Si on regarde les clients disposant de l’eBanking, indicateur révélateur d’une certaine aisance numérique, c’est le cas pour deux Bruxellois sur trois alors qu’on est à 3 sur 4 en Wallonie et à 4 personnes sur 5 en Flandre. C’est un paradoxe digital sur lequel il faudra se pencher : en zone rurale, il y a des zones blanches, où la fibre ou la 4G, la 5G, n’arrivent pas. En ville, il n’y a pas de zone de non-couverture. Il y a en revanche une population qui passe à côté de ces services. Qu’on parle d’e-commerce, d’éducation, d’accès à l’emploi ou de e-santé, cette inégalité-là se répercutera sur toutes les facettes de l’existence.
Fabrice Grosfilley