L’édito de Fabrice Grosfilley : Julien Moinil face à la pieuvre du narcotrafic
L’Edito de ce mercredi 1er octobre de Fabrice Grosfilley.
Le procureur du roi Julien Moinil ne désarme pas. Hier et avant-hier, pendant deux jours, il a prononcé un réquisitoire sans concession au Justitia, le tribunal ultra-sécurisé installé dans les anciens bâtiments de l’OTAN.
Il s’agit du procès en appel des affaires Sky ECC et Encro, du nom de ces messageries cryptées que la police fédérale a réussi à craquer. Une percée qui a permis de pénétrer en profondeur dans les milieux mafieux et de procéder à des centaines d’arrestations.
En première instance, le procès Sky ECC avait abouti à 115 condamnations. Une cinquantaine de prévenus ont fait appel : c’est donc ce second procès qui est en cours. Un procès tendu, marqué par des incidents répétés, des demandes de récusation et un climat de menaces. Julien Moinil vit actuellement sous haute protection.
“Nous ne pouvons pas accepter ce qui se passe”, a-t-il déclaré dès le début de son réquisitoire. C’était il y a deux jours. Depuis, le magistrat réclame de maintenir les peines décidées en première instance et, dans plusieurs cas, de les alourdir.
Il a pointé les dégâts environnementaux causés par les laboratoires clandestins (très nombreux dans la périphérie de Bruxelles), les conséquences sanitaires de la consommation de cocaïne (qu’on peut constater dans nos rues en ouvrant les yeux), mais aussi la violence croissante liée aux luttes entre trafiquants rivaux (inutile de vous rappeler les nombreuses fusillades de ces dernières années).
“Plus il y aura de réseaux criminels dans le pays, plus ils devront lutter pour s’imposer”, a-t-il averti. Le premier jour, il a demandé d’aggraver les peines pour une vingtaine de prévenus. Le lendemain, pour cinq autres. Parmi eux, Florantin K., pour qui il réclame 14 ans au lieu de 11. Le prévenu a récidivé après des faits similaires à Gand. « La peine ne l’a pas dissuadé. Il a fait passer l’égoïsme et la cupidité avant tout », a insisté le procureur.
Autre exemple : Abdelmalek A., pour qui la peine pourrait passer de 15 à 20 ans. Une partie des faits a été commise alors qu’il portait un bracelet électronique. “Monsieur A. n’a jamais cessé de délinquer depuis 1996 et cumule 30 condamnations. C’est un danger pour la société”, a martelé Julien Moinil.
Dans certains cas, le ministère public réclame aussi l’aggravation des amendes ou de la durée d’interdiction de gérer une société. Onze, quinze, vingt ans de prison : ce procès Encro-Sky ECC permet de découvrir les rouages du trafic de drogue. Une organisation structurée, fonctionnant comme une entreprise moderne, avec GSM, réseaux, profits colossaux… mais aussi une violence sans limite : enlèvements, tortures, règlements de comptes.
Julien Moinil incarne la sévérité face à cette pieuvre qui s’est progressivement installé un peu partout sur le territoire de la Belgique. Les plaidoiries de la défense démarreront jeudi.