L’édito de Fabrice Grosfilley : droit à l’accueil contre droit de la propriété

Trouver l’équilibre entre le droit à l’accueil et le droit de la propriété. C’est la difficile équation que le juge de paix de Saint-Josse va devoir résoudre. Un équilibre difficile à atteindre tant les intérêts des deux parties sont à l’opposée l’un de l’autre. D’un côté, des demandeurs d’asile qui ne trouvent pas de toit : ils étaient pour certains d’entre eux rue des Palais à Schaerbeek, puis allée du Kaai, le long du canal, ou sous des tentes devant le Petit-Château. À chaque fois délogés. À chaque fois contraints de trouver un nouvel abri. Depuis près de deux semaines, ils ont donc investi un bâtiment situé boulevard Albert à Saint-Josse. Un bâtiment qui doit abriter dans les prochains mois le centre de crise du gouvernement fédéral. La crise de l’accueil, si longtemps snobée par le gouvernement fédéral qui devient la crise du centre de crise, tout un symbole.

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En face, c’est la Régie des Bâtiments qui fait donc valoir les intérêts du gouvernement fédéral. La régie qui est chargée de la gestion du parc immobilier des institutions fédérales veut récupérer l’accès à ces locaux t au plus vite. Le site doit encore être équipé pour que le centre de crise actuellement situé rue Royale, dans des locaux exigus et peu adaptés à ses besoins, puisse déménager. Le transfert est prévu pour l’année 2024. Le nouveau bâtiment doit notamment offrir des conditions de sécurité maximales et des outils de communication à la pointe du progrès. C’est dans ce centre de crise qu’on gère par exemple les crises sanitaires comme le Covid-19, mais aussi les incidents d’envergure nationale, comme des inondations ou un attentat. Autant dire que c’est une installation particulièrement sensible. Ce que ne dit pas la Régie des Bâtiments, mais elle y a probablement pensé, c’est aussi la crainte de dégradations qui alourdiraient la facture et retarderaient les travaux. Pour la Régie, il faut donc que l’occupation cesse au plus vite.

Mardi, le juge de paix a surpris tout le monde en effectuant une visite dans les locaux en question. Il a donc pu constater par lui-même dans quelles conditions les demandeurs d’asile et les militants qui les accompagnent sont installés. La réalité de la nuisance et l’esprit dans lequel se trouvent les deux parties. Parce qu’il ne s’agit pas d’un conflit banal entre un propriétaire et des squatteurs. Les demandeurs d’asile ont de bonnes raisons de cibler un bâtiment de l’État fédéral. S’ils se retrouvent à la rue, c’est parce que cet État ne remplit pas ses obligations internationales : tout demandeur d’asile qui a introduit une procédure de demande d’asile doit recevoir un toit. L’État belge vient d’être condamné des milliers de fois pour être incapable de se conformer à ses engagements.

Quand la décision du juge de paix tombera dans quelques heures, il y aura sans doute beaucoup de réactions et de commentaires. On ne va pas préjuger ici d’une décision de justice qui n’est pas rendue. On va juste dire ceci : si l’État belge veut récupérer son bien, la première étape, la plus simple, la plus logique, c’est d’offrir un hébergement à ceux qui y ont droit. Ouvrir des places, réquisitionner des places s’il le faut, passer un accord avec des structures qui disposent de capacité d’accueil, on peut penser à des hôtels par exemple, serait une manière très simple, de sortir de l’impasse.

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Fabrice Grosfilley