L’édito de Fabrice Grosfilley : des négociations sur le fil

Est-ce enfin le déblocage des négociations dans le collège néerlandophone pour former le prochain gouvernement de la Région bruxelloise ? Hier après-midi, Elke Van den Brandt a, pour la première fois depuis les élections du mois de juin, présenté une note de départ pour une coalition potentielle regroupant quatre partis : Groen, Vooruit, l’Open VLD et la N-VA. Un premier document a donc été mis sur la table, sur lequel les partenaires pressentis vont devoir se positionner dans les heures ou jours à venir. Le dépôt de cette note sonne comme le coup d’envoi d’une véritable négociation, alors qu’on tournait plutôt en rond jusqu’à présent dans le collège néerlandophone.

Pendant 5 mois nous avons eu droit à un gigantesque jeu de cache-cache, où l’on testait une piste, puis une autre, tout en se demandant comment gouverner à quatre quand il n’y a que trois postes disponibles. Pendant de longues semaines, Elke Van den Brandt a ainsi tenté d’attirer le CD&V, un parti semblant plus facilement compatible que la N-VA avec les aspirations des autres formations, tant francophones que néerlandophones. On a même envisagé de négocier avec Fouad Ahidar, qui, avec ses trois députés sur 17, pèse désormais lourd dans le collège néerlandophone. Et on s’est arraché les cheveux sur la formule permettant à un quatrième partenaire d’être représenté au gouvernement régional, sans que cela implique la création d’un secrétariat d’État supplémentaire, qui serait à charge du budget régional.

Depuis quelques jours, un déblocage semble possible grâce à la proposition de l’Open VLD d’accepter de rejoindre une majorité sans occuper ni poste de ministre ni secrétariat d’État, mais simplement via un commissaire de gouvernement. Est-ce suffisant pour aboutir à un accord ? Non. Mais la proposition permet au moins de faire avancer les discussions. Puisqu’on pourrait enfin avoir une solution pour la question de la gouvernance, on peut désormais envisager de discuter du fond. C’est précisément ce que permet la note de Van den Brandt. Cependant, certaines sources proches des négociateurs appellent à rester prudents. D’abord, les néerlandophones doivent se mettre d’accord entre eux. Ensuite, il faudra que les francophones acceptent la proposition et ne la torpillent pas pour une raison ou une autre.

Concernant la négociation néerlandophone, nous avons peu d’informations sur le contenu précis de la note de Van den Brandt. On y trouve probablement des éléments de mobilité, ce qui est crucial pour Groen, qui pourrait se retirer sans cela. Il y aurait aussi des points sur la simplification administrative et la bonne gouvernance budgétaire, sujets importants pour la N-VA et l’Open VLD. L’équilibre entre les intérêts des uns et des autres sera néanmoins complexe à trouver. Groen a déjà prévenu : les écologistes flamands ne braderont pas leur programme pour entrer dans le gouvernement. Des lignes rouges et des éléments non négociables seront posés.

Coté francophone, les dernières déclarations du Parti socialiste et des Engagés montrent clairement un certain regret de voir la N-VA rejoindre cette coalition. En théorie, les francophones n’ont pas leur mot à dire : c’est aux néerlandophones de former leur majorité. En pratique, on sait que certains francophones, en particulier le MR, avaient mis leur veto à une éventuelle présence de Fouad Ahidar. Il n’est pas exclu que les francophones (en particulier ici le PS) ne  finissent par torpiller les négociations en cours, notamment si les néerlandophones formulent des demandes jugées irréalistes. Par exemple, la création, malgré tout,  d’un secrétariat d’État en fin de processus ou une répartition préalable des compétences, théoriquement négociées après l’accord de gouvernement, pourraient poser problème. Bref, plusieurs obstacles restent à franchir, et il faut éviter tout triomphalisme prématuré.

D’un point de vue démocratique, cet attelage à quatre ressemble à une coalition des perdants. L’Open VLD, Vooruit et la N-VA ont tous perdu des sièges lors des élections régionales de juin. La N-VA a même été lourdement sanctionnée en perdant tous ses conseillers communaux lors des élections d’octobre. En termes d’arithmétique électorale, il aurait été bien plus légitime d’inclure Fouad Ahidar dans cette majorité. Avec trois députés régionaux et plus d’une vingtaine de conseillers communaux, il bénéficie d’un soutien populaire indéniablement supérieur à celui de l’Open VLD ou de la N-VA. Rappelons-le : les deux grands gagnants de juin côté néerlandophone étaient Team Ahidar et Groen. Voir une négociation s’orienter dans une direction qui semble ignorer les aspirations de l’électorat est politiquement délicat, voire scabreux.