L’édito de Fabrice Grosfilley : des négociations sauce barbecue

Faut-il passer par un barbecue pour apaiser les tensions ? Ce soir les membres du gouvernement fédéral vont se retrouver au domicile d’Alexander De Croo pour une soirée qui se voulait initialement un moment détendu et convivial. Certains ministres ont pris de l’avance, ils ont déjà sorti les couteaux.

Le pic de ce moment de tension a  incontestablement eu lieu hier après-midi. A la chambre Karine Lalieux, ministre des pensions, a ainsi indiqué que les pensionnés « n’étaient pas une variable d’ajustement budgétaire. Ces personnes en ont marre d’être pointés du doigt pour le coût qu’ils représentent. C’est scandaleux et je n’ai pas besoin qu’on joue les institutrices avec moi» Le député socialiste Jean-Marc Delizée en remettait une couche, Thomas Dermine  donnait des interviews dans les couloirs sur la même tonalité.

La cause de  cet énervement socialiste réside dans la publication d’une note signée Eva De Bleeker qui s’était retrouvée dans la presse écrite. Un document où la secrétaire d’État au budget affirmait que la réforme des pensions et la réforme du marché de l’emploi actuellement en discussion n’étaient pas assez ambitieuses. Que la Belgique risquait du coup de perdre son droit à l’argent du plan de relance européen, qui est conditionné par ces réformes… et qui, notamment dans le Soir, annonçait une augmentation du cout des pensions de plus de 7 milliards dans les années à venir.

Mettre d’accord les socialistes et les libéraux sur le dossier des pensions est particulièrement ardu. S’il est acquis qu’on ne touchera pas à l’âge légal de la pension pendant cette législature, toute la question est de savoir ce qu’on fait dans les années qui précèdent. Est-ce qu’on autorise des travailleurs à prendre une pension à mi-temps par exemple ? Est-ce qu’on encourage ceux qui veulent travailler au-delà de 67 ans par le versement d’un bonus complémentaire ? Et puis surtout à partir de quand considère-t-on qu’une carrière donne droit à la pension minimum ? Est-ce qu’on compte les périodes de chômage, les périodes de formation, ce qu’on appelle les “périodes assimilées” ? Il faudrait au moins 20 ans de travail effectif pour ouvrir le droit à la pension minimum estiment les libéraux. Du coté socialiste on parle de 10 ans et on met en avant la difficulté des femmes à avoir une carrière complète.

Ce débat sur les pensions est donc vif, idéologique, clivant. Il fait partie de la feuille de route que le gouvernement s’est lui-même fixé. On peut y ajouter la prolongation de deux centrales nucléaires (les négociations sont toujours en cours avec Engie), le pouvoir d’achat (comment aider les ménages les plus faibles face au surcoût de l’énergie), et même ce qui commence à ressembler à une crise de l’asile, avec 6000 demandeurs d’asile qu’on arrive pas à loger alors que cela fait partie de nos obligations. Au barbecue d’Alexander de Croo ce soir, si on veut mettre tous ces ingrédients sur le grill cela risque fort de donner un résultat assez indigeste.  On ne connait pas la composition de la sauce Vivaldi, mais il faudrait qu’elle soit sacrément bonne pour arriver à tout ingurgiter.

Bon, en réalité ce barbecue d’Alexander De Croo est prévu depuis des semaines.  Et en ce qui concerne les pensions un conseil restreint est d’ores et déjà prévu pour demain matin. Rien ne se décide vraiment autour d’un verre de rosé et c’est tant mieux. Il n’empêche …  si la majorité veut aller au bout de son programme et le faire avant le 21 juillet,  date traditionnelle des vacances parlementaires, il va falloir rapprocher les points de vue. Cela  peut se faire en réunion, surement pas dans les  journaux.  Une négociation politique c’est comme dans la pub des sauces barbecue. On attend que le premier ministre lance le mot d’ordre : à table.