L’édito de Fabrice Grosfilley : derrière les incendies
Un feu sans flammes. C’est ce à quoi ressemble désormais l’incendie qui a déjà détruit au moins 170 hectares dans la région des Fagnes. On dit au moins 170 hectares parce que l’incendie n’est toujours pas complétement maitrisé à l’heure où j’écris ces lignes. Ce feu sans flamme est difficile à combattre : des herbes sèches ou de la bruyère qui brulent à même le sol, un feu qui se propage sous la surface, le seul moyen d’intervenir est d’attaquer le sinistre par les airs. Un hélicoptère a donc largué hier toute la journée des tonnes d’eau. Près de 140 pompiers et la protection civile sont mobilisés dans cette opération. Une réunion de crise doit décider ce matin s’il est nécessaire ou pas d’appeler d’autres pompiers en renfort des Pays-Bas ou d’Allemagne. 170 hectares cela équivaut à peut près à 200 terrains de football, pour vous donner une idée de ce qui est en train de ce passer. Une vaste étendue où la flore a donc été détruite mais aussi une partie de la faune : oiseaux, qui sont en période de nidifications, serpents, grenouilles et d’autres animaux encore plus petits qui vont donc voir leur habitat détruit et qui risque de disparaitre avec cet incendie.
Ce feu sans flamme est donc de nature a entrainer ou à accélérer une modification du biotope des Hautes Fagnes. Cette zone humide et spongieuse assez unique est une des régions de Belgique depuis longtemps pointée comme étant l’une des plus sensibles au réchauffement climatique. Ce qui se passe ces jours-ci est sans doute une forme d’avertissement. Nous ne sommes qu’au printemps, même si le ciel est bleu ces derniers jours, ce n’est pas encore le cœur de l’été et nous connaissons un premier incendie…. et les sinistres de ce genre-là risquent de de se reproduire dans les années à venir. À l’échelle de la planète l’incendie des Fagnes est évidement anodin. Rien a voir avec le gigantesque feu de forêt qui a entrainé l’évacuation de 18 000 personnes à Halifax au Canada et où le feu est tellement étendu que les pompiers ne peuvent même pas évaluer sa superficie. Rien à voir non plus avec les inondations qui font fait 14 morts en Italie la semaine dernière.
Que la Belgique ait besoin de l’aide de ses voisins pour venir à bout d’un feu qui est somme toute relativement mineur, met une fois de plus l’accent sur le sous-équipement des nos services de secours. On l’avait dramatiquement expérimenté lors des inondations de l’été 2021. Nous ne sommes pas suffisamment outillés pour faire face aux catastrophes environnementales. Il va donc falloir investir en matériel, en hommes, apprendre les techniques d’intervention. Le réchauffement climatique n’épargnera pas la Belgique. Cela va donc avoir un coût. Cette balance coût-bénéfice entre ce qu’il est nécessaire d’investir dans la transition environnementale et ce que nous devrons investir dans la gestion des conséquences du réchauffement n’est pas seulement une question d’environnement c’est donc aussi une question économique… et ressemble déjà plus à une addition qu’à une balance. Comme nous avons pris du retard dans la lutte contre le réchauffement, nous sommes aujourd’hui condamnés à investir des deux cotés. Il est acquis que la terre va se réchauffer d’au moins 1,5 degrés, ce sera probablement deux degrés pour l’Europe occidentale. Pour faire un parallèle avec la médecine, investir dans la lutte contre le réchauffement relève de la médecine préventive. Faire face aux sécheresses, incendies, inondations et demain à la montée des eaux relève de la médecine curative. Il va donc falloir faire les deux. Et avoir désormais la lucidité de comprendre et le courage d’expliquer que cela vous nous coûter cher. Et que notre économie sera réellement impactée par ce qu’on considérait encore hier comme de simples aléas climatiques.