L’édito de Fabrice Grosfilley : clarifications et alliances

Le compte à rebours est donc lancé. Il reste ce matin 16 jours avant les élections du 13 octobre. À deux semaines des élections, on peut dire que nous sommes désormais dans la dernière ligne droite. Les concurrents allongent leur foulée, c’est l’emballement final, on jette ses dernières forces dans la bataille : marchés et poignées de main, porte-à-porte, interviews et débats à la télévision, principalement sur BX1 en ce qui concerne les Bruxellois, déclarations dans les journaux et publications sur les réseaux sociaux. Dans une campagne, il y a ce que l’on voit, qui est connu et commenté par tout le monde, et puis aussi ce qui ne se voit pas toujours : les propos disgracieux que l’on répand sur ses concurrents ou les consignes que l’on s’échange sous le manteau.

Une campagne électorale, c’est d’abord et avant tout une question de programme : ce que l’on promet de faire ou de ne pas faire, ce que l’on prévoit de défaire ou de refaire autrement. C’est aussi, surtout au niveau local, une question de personnalité : qui inspire confiance ou pas, qui semble compétent et qui l’est moins. Quand on confie les clés de la cité pour six ans, le citoyen a plutôt intérêt à ne pas se tromper sur qui est compétent et qui ne l’est pas. Et puis il y a les alliances. Savoir qui est prêt à gouverner avec qui. Dans notre système proportionnel, il n’est pas exclu que certaines listes décrochent la majorité absolue. Ce sera l’un des enjeux dans des communes comme Uccle ou Woluwe-Saint-Pierre, mais dans la grande majorité des cas, les différentes listes en présence sont condamnées à monter des coalitions. Il faudra donc trouver des partenaires, renégocier un programme pour pouvoir s’entendre et gouverner à plusieurs la commune que l’on souhaite administrer.

Ce matin, dans la Dernière Heure, il y a de ce point de vue-là une clarification importante pour la Ville de Bruxelles : l’annonce d’un préaccord entre le MR, Les Engagés et DéFI en ce qui concerne cette commune, qui par nature attire tous les regards. « Nous sommes prêts à travailler à la construction d’un projet alternatif avec le MR et Les Engagés », indique donc Fabian Maingain dans ce journal. Le chef de file de DéFI a donc choisi de répondre favorablement à l’appel lancé par David Weytsman alors qu’il y a peu encore, il était, en tant qu’échevin, aux côtés de Philippe Close. Pourtant, Fabian Maingain justifie ce mouvement par l’ambiguïté qui existerait vis-à-vis du PTB dans le chef du PS et d’Écolo. « J’ai pris acte que ces deux partis ouvrent prioritairement la porte au PTB. J’y vois aussi une ligne rouge infranchissable », explique-t-il. Ce mouvement, ce “shift” de Fabian Maingain a pour effet de clarifier les enjeux à la Ville de Bruxelles. Il y aura donc un bloc de droite avec le MR, Les Engagés et DéFI, et un bloc de gauche avec le PS et Écolo, qui pourront ou pas s’associer à la Liste Ahidar + ou peut-être au PTB. On dit bien peut-être, car à gauche il n’y a pas de préaccord, et que les négociations avec le PTB n’ont jusqu’à présent jamais été couronnées de succès en Belgique francophone. L’annonce de ce matin renforce David Weytsman, qui devient du coup un bourgmestre crédible puisqu’il pourrait bénéficier d’une majorité envisageable. Cela affaiblit a priori Philippe Close, qui perd un de ses alliés. Mais cela lui donne un argument de campagne supplémentaire dans le registre de l’appel à voter utile. Pour les électeurs de gauche qui souhaiteraient faire barrage au MR, il n’est plus possible de voter pour DéFI ou Les Engagés, qui sont donc associés aux libéraux, et il pourrait être hasardeux de voter pour le PTB si celui-ci met la barre tellement haut qu’un accord est impossible.

La clarification des alliances a donc eu lieu à la Ville de Bruxelles, ce qui va induire de nouvelles dynamiques pour ces deux dernières semaines de campagne électorale. Des annonces de pré-entente ont également clarifié le jeu dans des communes comme celle de Ganshoren, par exemple. Mais il y a aussi beaucoup de communes où les jeux restent relativement ouverts, où les alliances ne sont pas faites, ou pas de manière définitive. Avec des logiques différentes qui peuvent s’appliquer en fonction des circonstances. On peut préférer des alliances sur base du programme, plutôt à droite dans certains cas, plutôt à gauche dans d’autres. Sur base de personnes aussi, certains politiques se font confiance malgré leurs différences, d’autres sont incapables de travailler ensemble. Et puis, cela dépend de ce que permettent les chiffres. Six ans, c’est long, et il vaut parfois mieux faire une grande alliance pour tenir le coup plutôt que viser une majorité à un ou deux sièges près, qui risque de se défaire en cours de mandat. Pendant deux semaines, il peut encore se passer beaucoup de choses. Mais l’essentiel de ces accords de majorité ne pourra pas se négocier avant le 13 octobre. Parce qu’il ne faut pas l’oublier, celui qui choisit en définitive, c’est toujours le citoyen. Il y a des alliances qui seront mathématiquement possibles, et d’autres qui ne le seront pas. Et dans la plupart des communes, les jeux ne sont pas faits d’avance.

Fabrice Grosfilley