L’édito de Fabrice Grosfilley : à l’arrêt

Dans son édito de ce lundi 16 septembre, Fabrice Grosfilley revient sur tous les blocages bruxellois, qu’ils soient politiques ou liés à la mobilité.

À l’arrêt. C’est la situation que vous rencontrerez peut-être si vous êtes un usager de la Stib ce lundi matin. Seules les lignes 1 et 5 fonctionnent au ralenti. Aucun métro sur les lignes 2, 3, 4, et 6. Pas de métro pour aller à la gare du Midi ou à la gare du Nord, par exemple, ni pour rejoindre Erasme ou Simonis.

À l’arrêt, ce sera aussi probablement l’expérience que vivront les automobilistes qui tenteront de s’engager sur la petite ceinture en milieu de matinée et qui se retrouveront coincés derrière le cortège des manifestants venus afficher leur soutien aux travailleurs de l’usine Audi Forest.

À l’arrêt également, cette usine d’Audi, qui est fermée depuis le début de l’été et dont l’avenir est plus qu’incertain depuis que le groupe Volkswagen a décidé d’y stopper l’assemblage du modèle Audi Q8. L’arrêt provisoire risque de devenir définitif, avec la perte de 3000 emplois à la clé, sans oublier les sous-traitants.

À l’arrêt aussi, les négociations pour tenter de former un gouvernement en Région bruxelloise. Elke Van Den Brandt, de Groen, a décidé de se retirer du processus vendredi soir. Les écologistes flamands estiment que les menaces que Georges-Louis Bouchez faisait peser sur cette négociation ne permettent plus d’avancer sereinement. Il faut dire que vendredi matin, Georges-Louis Bouchez s’était fendu d’un tweet où il annonçait que les francophones, après avoir décidé de reporter l’entrée en vigueur de la prochaine phase de la zone de basses émissions par un vote au Parlement, pourraient utiliser le même chemin pour détricoter le plan Good Move. Même si “détricoter Good Move” ne veut pas dire grand-chose – est-ce qu’on va démonter des pistes cyclables ou renoncer aux zones 30 par exemple ? –, cette sortie a crispé les écologistes néerlandophones. Il faut néanmoins souligner que les négociations au collège néerlandophone étaient déjà à l’arrêt, puisque Elke Van den Brandt ne parvenait pas à constituer une majorité autour d’elle. Elle a donc quitté le tram des négociations alors qu’il n’était toujours pas sur de bons rails.

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On pourrait d’ailleurs s’interroger sur cette crispation soudaine autour de la zone de basses émissions. La prochaine phase, avec l’interdiction de circuler pour la norme Euro 5, concernait 30.000 véhicules immatriculés en Région bruxelloise. J’ai fait le calcul : 30.000 véhicules rapportés à l’ensemble de la population bruxelloise (1,200.000 habitants), cela fait 2,5%. Imaginons que ces véhicules ne soient pas utilisés par une seule personne, mais qu’ils représentent un intérêt vital pour un couple, on arrive à 5%. Fallait-il mettre à l’arrêt la zone de basses émissions pour 5% de la population bruxelloise, ou même 10% si on parle de quatre personnes impactées par chaque véhicule ? C’est le choix fait par la plupart des partis représentés au Parlement, et les écologistes semblant fort isolés sur cette question. Avec deux éléments à souligner : la mesure s’appliquait aussi aux véhicules qui allaient entrer dans Bruxelles, ce qui impactait également des navetteurs ou des habitants de la périphérie, et cela n’a pas échappé aux présidents de partis, notamment du côté libéral. D’autre part, ces 5 à 10% de Bruxellois impactés vivent essentiellement dans des quartiers populaires. On parle de véhicules assez âgés, mais aussi de nombreuses camionnettes utilisées par des plombiers, des petits commerçants, des livreurs. L’impact aurait donc été fort dans des quartiers comme les Marolles, Molenbeek ou Laeken,… autant de quartiers où le PS est très à l’écoute de ce que lui disent ses électeurs.

Au-delà de la zone de basses émissions, faut-il mettre à l’arrêt la politique de mobilité enclenchée depuis deux législatures ? C’est la question à laquelle les négociateurs devront désormais répondre lorsqu’ils seront en position de reprendre les négociations. Évidemment, la campagne électorale pour les élections communales n’est pas étrangère à cette mise à l’arrêt des négociations. Puisque la prise est débranchée, tout le monde va pouvoir se focaliser sur les objectifs communaux. Ce n’est qu’après le 13 octobre, et sans doute une fois que le report de la mise en service de la zone de basses émissions aura été voté par le Parlement régional bruxellois, que les négociations pourront réellement reprendre. Une fois ces deux épisodes passés – l’élection communale et le vote au Parlement –, il n’y aura sans doute pas d’autres solutions que de revenir vers Elke Van den Brandt, mais c’est une autre histoire. Cela nous rappelle que l’histoire, la politique, les activités humaines, et la vie en général ne cessent jamais réellement d’avancer. Et qu’un coup d’arrêt est finalement fait pour être contourné. De même que les étudiants qui reprennent le chemin des universités et autres écoles ce matin vont bien devoir se débrouiller pour rejoindre leurs cours, même sans bus ou sans métro, les négociateurs de la Région bruxelloise seront, eux aussi, à un moment ou un autre, bien contraints, quoiqu’ils en disent, de reprendre leurs discussions.

Fabrice Grosfilley

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16 septembre 2024 - 11h26
Modifié le 16 septembre 2024 - 14h40