L’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la préparation de l’Union européenne face aux menaces de Vladimir Poutine.
« Les forces de dissuasion nucléaire sont dans un état de préparation accru ». C’est le message délivré aujourd’hui par le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou. Traduction du propos : les missiles nucléaires russes sont bien en état d’être employés. Dans son message, le ministre de la Défense est même encore un peu plus précis : il parle de la force aérienne à long rayon d’action, mais aussi de la flotte du Nord et de la flotte du Pacifique. Il faut comprendre que des bombardiers stratégiques équipés de têtes nucléaires, mais aussi que des navires et des sous-marins capables de lancer des missiles sont désormais prépositionnés. On serait tenté de croire que Vladimir Poutine y va au bluff. Qu’il fait monter la pression avec des menaces qu’il ne mettra pas à exécution. D’ailleurs, dans le même temps, une première réunion de négociation se tenait au Bélarus. Deux délégations, emmenées d’un côté par un proche conseiller de Poutine, et de l’autre par le ministre de la Défense ukrainien, ont tenu un premier round de discussion.
Souffler le froid d’un côté, en évoquant la préparation des missiles nucléaires et pratiquer une forme de réchauffement de l’autre en participant à une réunion de négociation, c’est évidemment un classique de la dialectique militaro-diplomatique. On se met en position de force pour mieux négocier. Sauf qu’avec Vladimir Poutine on ne sait désormais plus ce qui relève de la dissuasion ou de l’action. La frontière entre la menace et sa mise en pratique a disparu, et on serait sot de croire que les manœuvres d’intimidation ne sont que des provocations.
À force de mettre l’Europe sous pression, Vladimir Poutine est en train d’encaisser une forte poussée inversée. Après le blocage des opérations bancaires, l’espace aérien fermé, la livraison d’armes aux forces ukrainiennes, l’Union européenne envisage désormais de faire entrer l’Ukraine directement en son sein, c’est en tout cas, ce qu’a publiquement envisagée Ursula Von der Leyen la Présidente de la commission. Mais aussi d’instaurer un système de protection de la Finlande et de la Suède, qui sont membres de l’Union européenne et non de l’OTAN, cette alliance militaire qui nous lie aux États-Unis.
En quatre jours, l’Union Européenne qui jusqu’à présent, était considérée comme un nain militaire et n’avait jamais réussi à mettre en place une véritable défense commune, s’est métamorphosée en un acteur stratégique crédible, qui se met à exporter des armes et offrir sa protection. Exactement l’inverse du but poursuivi par Vladimir Poutine. Mais c’est ce qui fait ressembler ce soir le continent européen à une cocotte sous pression. Avec tous les risques que cela comporte.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley