L’édito : avec ou sans masque
Molenbeek-Saint-Jean est-elle une exception en matière de Covid-19 ? Une exception qui justifierait que des règles différentes soient applicables dans cette commune-là, et pas dans le reste du royaume ?
Cette question a fait les choux gras de la presse et des réseaux sociaux toute la journée de mercredi, après qu’on a appris que le port du masque était redevenu obligatoire dans certaines artères de Molenbeek Saint-Jean. Pour être très précis, la rue de Ribaucourt, la chaussée de Ninove, la chaussée de Gand et le Parvis Saint-Jean Baptiste, c’est-à-dire des rues commerçantes très fréquentées, ainsi que les abords des centres de dépistage et de vaccination. Une obligation valable depuis le 1er avril, et ce n’est pas une blague, et valable jusqu’à la fin du mois.
L’argumentaire de la commune pour prendre cette décision repose sur la combinaison de deux éléments : le premier, la remontée du nombre de contaminations en région bruxelloise. Le second, la période de ramadan qui fait qu’on prend plaisir à se retrouver en soirée ou faire ses courses en fin d’après-midi juste avant la rupture du jeûne. Avec une densité importante au mètre carré et une population moins vaccinée qu’ailleurs, on imagine bien que la bourgmestre a pris cet arrêté en voulant bien faire et en ayant à l’esprit l’idée de protéger sa population, ce qui est parfaitement son rôle.
Ce qui donne en revanche un aspect « Clochemerle » à cette décision, c’est sa portée géographique extrêmement limitée et son manque de publicité. L’argumentation de la commune ne semble pas très étayée, et surtout pas très explicite. Car sur le terrain, personne n’a l’air de savoir que le masque est redevenu obligatoire. Quelques panneaux, pas d’annonces faites aux commerçants ou aux habitants. Vous avez pu vous en rendre compte dans le reportage de BX1 par exemple : cet arrêté a un caractère purement virtuel à ce stade. Et même les virologues ont l’air dubitatifs. Imposer le masque sur quelques centaines de mètres, alors qu’on est en plein air, à quoi ça rime ?
Comme l’actualité est assez pauvre, on a donc beaucoup parlé de cette mesure Molenbeekoise hier. À juste titre, puisqu’elle ne semble ni justifiée, ni efficace, ni appliquée. Mais il y avait sans doute, chez certain une petite part de “Molenbeek bashing”. Parce que autant on peut être critique avec Catherine Moureaux et sa décision, autant on ne doit pas non plus avoir la mémoire trop courte. Se rappeler que par exemple en mai 2020, les bourgmestres d’Etterbeek, de Woluwe-Saint-Pierre et de Woluwe-Saint-Lambert avaient, eux aussi, pris des arrêtés martiaux imposant le port du masque dans les quartiers commerçants de leurs communes. Un an plus tard, en 2021, on avait levé l’obligation de port du masque sur le territoire régional, mais avec des exceptions, laissées à l’appréciation des bourgmestres. Certains bourgmestres, en bons précurseurs, avaient donc fait du Catherine Moureaux sans le savoir.
La conclusion de tout ceci, c’est qu’il serait urgent que nos bourgmestres prennent conscience que la plupart des Bruxellois passent d’une commune à l’autre. Que les frontières communales sont très théoriques et que nous vouloir nous protéger dans une rue, mais pas dans la suivante, n’est ni lisible ni efficace. Réserver ce genre de décision à la Conférence des bourgmestres ou au Conseil régional de sécurité pour qu’elles soient coordonnées sur l’ensemble du territoire est un gage d’efficacité. Et même si Molenbeek ne ressemble pas à Uccle ou Koekelberg à Woluwe-Saint-Lambert, vouloir faire cavalier seul, dans ce qui ressemble à un excès de localisme, relève plus de l’ubuesque que de la politique sanitaire.
■ L’édito de Fabrice Grosfilley