Brebis à Watermael-Boitsfort : le Bercail doit remettre le parc du couvent dans son état d’origine
Le Bercail, le projet d’élevage de brebis laitière pour fabriquer du fromage situé dans le parc classé du couvent Sainte-Anne à Watermael-Boitsfort, est toujours dans l’illégalité. L’administration régionale de l’urbanisme, Urban.brussels a dressé un PV d’infraction et demande la remise en pristin état du site. Les riverains suspectent une maltraitance animale, démentie par le berger.
Début 2021, une enquête publique avait lieu à Watermael-Boitsfort, car la coopérative du Chant des cailles dont dépend le Bercail avait introduit une demande de permis d’urbanisme pour étendre les infrastructures de la bergerie. En parallèle est aussi rentrée une demande de permis d’environnement pour pouvoir détenir plus de brebis laitière sur le site du couvent ainsi que sur les 3 autres implantations que le Bercail compte utiliser pour le pâturage (le terrain de la Ferme du Chant des cailles, le Rouge-Gorge et le parc de la Heronnière).
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Finalement, le permis d’urbanisme est refusé, mais la commune octroie le permis d’environnement le 31 juillet 2021. Il autorise 32 adultes ou maximum 137 agneaux en bergerie et 22 animaux en moyenne par an ou maximum 67 animaux à un instant T en pâture sur le 1,7 hectare du parc classé.
Le Bercail via la coopérative devait rentrer une nouvelle demande de permis d’urbanisme pour son projet d’extension. Cependant, lors d’une interpellation de la députée Les Engagés Céline Fremault au secrétaire d’Etat à l’Urbanisme, Pascal Smet (one.brussels), ce dernier avait fait savoir qu‘il n’était pas possible de prévoir une extension du Bercail puisque le site était classé.
Une infraction urbanistique
La coopérative qui avait rentré une demande de permis d’urbanisme l’a retirée dans un premier temps avant d’introduire un nouveau dossier qui a été jugé incomplet. Depuis, l’administration bruxelloise de l’urbanisme, Urban.brussels, a dressé un PV d’infraction et demande à la coopérative du Chant des cailles de remettre le site du couvent en pristin état. Cela signifie que le Bercail doit détruire près de 60m² de bergerie et réaménager l’annexe de la fromagerie. Il doit revenir à une bergerie de 85m². “Nous avons introduit la semaine dernière notre dossier de demande de permis d’urbanisme pour détruire une partie de la bergerie et aménager l’annexe de la fromagerie, explique Antoine Sterling, le berger du Bercail. Il existe une activité agricole sur le site du couvent. Les sœurs vendaient du beurre ce qui rend possible notre activité malgré l’arrêté de classement. Avec 85m² de bergerie, en comptant 1,5m² par mouton, nous pouvons avoir 56 adultes en théorie. Aujourd’hui, nous avons 45 laitières et 15 brebis pour l’écopâturage.”
Recours contre le permis d’environnement
Par ailleurs, les riverains de l’avenue Léopold Wiener ont déposé un recours contre le permis d’environnement devant le gouvernement bruxellois en septembre dernier. Leur avocat a été auditionné par un représentant du cabinet du ministre de l’Environnement, Alain Maron, le 22 décembre 2021. Depuis, les riverains attendent une décision. “Il n’est pas possible d’accueillir autant d’animaux dans 85m² de bergerie, explique la présidente de l’association des riverains du parc du couvent, Cécile Robyns. Nous avons compté les moutons et au 1er mai 2022, en pâture, il y avait au moins 52 moutons adultes et une douzaine d’agneaux soit 64 animaux. Si on prend le permis d’urbanisme octroyé et valide, ils ne peuvent avoir que 30 moutons. Il y a donc une incohérence.”
Du côté du cabinet Maron, on rappelle que les recours ne sont pas suspensifs. De plus, le gouvernement n’est pas tenu à un délai de rigueur pour se prononcer sur le fond du dossier sauf si une lettre de rappel est envoyée. Alors, le gouvernement dispose de 30 jours pour se prononcer. Passé ce délai, le permis est considéré comme valide. Actuellement, aucune lettre de rappel n’a été envoyée, mais on nous affirme que le dossier sera sur la table du gouvernement dans les prochaines semaines et qu’une décision sera prise. Pour le ministre Alain Maron, les activités d’agriculture doivent être encadrées avec des permis en respectant aussi les habitants.
Suspicion de maltraitance
A côté de cette bataille juridique, les riverains s’interrogent sur une possible maltraitance animale. En effet, une partie des brebis sont mises en écopâturage sur des terrains communaux. Cette technique permet de nourrir les animaux, mais aussi d’éviter le passage d’une tondeuse. Le 11 mai dernier, plusieurs bêtes sont sur le talus devant l’église Saint-Clément, à deux pas du couvent de l’avenue Wiener. Le soleil tape et les animaux se regroupent sous un petit arbre pour se protéger de la chaleur.
Dans la nuit du 17 au 18 mai, les riverains découvrent dans une brouette mise à côté des ordures ménagères de la maison de repos attenante au couvent, le cadavre d’une brebis. Il est simplement recouvert d’un sac-poubelle noir. C’est l’odeur qui les a inquiétés. “Nous ne savons pas s’il s’agit de la brebis qui était devant l’église, mais la peau semble identique, explique Cécile Robyns. Certains habitants ont prévenu la police pour une question d’hygiène qui nous a répondu qu’elle ne se déplacerait pas pour cela. Nous avons aussi déposé une plainte auprès de Bruxelles Environnement. Nous avons alerté la commune et écrit au ministre du Bien-être animal, Bernard Clerfayt. Nous avons aussi prévenu l’ONG Gaïa qui se dit interpellée par la situation.”
La réponse du berger ne s’est pas faite attendre. “Nous ne maltraitons pas nos animaux. Bruxelles Environnement est venu sur place et a validé les installations pour l’écopâturage. Il y a assez d’ombre sur ce terrain! L’Afsca est aussi passé pour vérifier nos installations et le bien-être des animaux. Tout est en ordre. Je peux fournir le rapport. Nous sommes aussi à présent dans le réseau nature de Natagora. Qu’on ne vienne pas me dire que je maltraite mes animaux!”
Concernant le cadavre de la brebis, Antoine Sterling explique qu’il s’agissait d’un animal malade. “Nous avons eu un problème. Elle n’arrivait plus à marcher, car elle était paralysée d’un côté. Le vétérinaire est venu, a donné un traitement, mais rien ne s’est amélioré. Nous avons dû l’euthanasier. Malheureusement, à Bruxelles, une seule société d’équarrissage se déplace. Elle nous dit qu’elle passe entre 4h et 18h, alors oui, c’est vrai, nous mettons le corps sur le trottoir vers minuit-1h du matin, pour que les employés de la société puissent le prendre même si nous ne sommes pas là. Le cadavre était emballé totalement dans une bâche noire en plastique pour éviter les odeurs. Je pense que c’est volontairement que quelqu’un a retiré la bâche. Je regrette vraiment cette agressivité des riverains. Nous aurions dû nous mettre en règle plus rapidement, je le reconnais. Mais en aucun cas je ne veux nuire à l’environnement ou à mes animaux.”
Vanessa Lhuillier – Photo: BX1