La Vivaldi désaccordée, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la Vivaldi instable d’Alexander De Croo
Alexander De Croo a-t-il encore la conduite de sa coalition ? Sa majorité Vivaldi est-elle en train de risquer la sortie de route ? Le constat, en tout cas, est que ça tangue de plus en plus.
Alors précisons tout de suite : en Belgique, avec notre système de vote à la proportionnelle et de gouvernement de coalition, le poste de Premier ministre est d’office une situation à haut risque. Il faut réussir à tenir en équilibre au sommet d’une pyramide instable. Instable, parce qu’elle réunit des partis de droite et de gauche, francophones et néerlandophones, que ces partis représentent des électorats aux intérêts divergents, et que le monde politique doit toujours avoir en tête les élections suivantes. Plus on affirme ses valeurs et on engrange des points pour sa boutique, mieux on se présente vis-à-vis des futurs électeurs. Jouer des muscles fait partie de l’exercice, ça ne veut pas dire pour autant qu’on fera tomber le gouvernement.
Une fois ce constat de base posé, on peut quand même avoir des craintes sur la situation présente. Parce que ces deux dernières années, la crise de la Covid-19 a joué le rôle de liant. La situation de crise sanitaire a aidé à dépasser les clivages lors des négociations gouvernementales. Sa permanence dans le temps a joué le rôle de ciments. Aujourd’hui, le ciment s’effrite. Non seulement le contexte sanitaire s’estompe, mais la guerre en Ukraine appuie là où ça fait mal. C’est-à-dire sur les dissensions socio-économiques. Face à la crise de l’énergie et au ralentissement de l’économie, les partis de droite et de gauche n’ont pas la même vision. Et ils n’essayent d’ailleurs pas de le cacher.
Aujourd’hui à la Chambre, on a ainsi vu une députée du Mouvement Réformateur, Florence Reuter, déposer une proposition de loi qui permettrait aux magasins d’ouvrir jusqu’à 22h mais aussi un dimanche par mois. Le genre de proposition qui sera vécue comme un casus belli par les organisations syndicales et qui apparait comme une sorte de réponse aux propositions du Parti socialiste qui voulait doper lundi le pouvoir d’achat et taxer davantage les gros patrimoines. Proposition, contreproposition, deux blocs se font face, sur le commerce, sur le pouvoir d’achat, sur la fiscalité, sur l’encadrement du travail…
Toujours à la Chambre cet après-midi, on a aussi pu mesurer que la guerre en Ukraine, à la différence de la Covid-19, n’agissait pas comme un ciment, mais plutôt comme un dissolvant de la cohésion gouvernementale. Alors que les libéraux souhaitent désormais revoir à la hausse nos dépenses en matière de défense, pour se rapprocher des fameux 2 % du produit intérieur brut que nous réclament les Américains, les deux partis écologistes, Groen et Écolo, ont fait savoir qu’il n’en était pas question et qu’il y avait d’autres priorités budgétaires. Un blocage qui met Alexander De Croo personnellement en difficulté alors qu’il doit se rendre à Madrid pour un sommet de l’OTAN le mois prochain. À tel point que la NVA a même suggérée de lui prêter main forte en lui apportant ses voix pour contourner le véto des écologistes.
Alors évidemment, faire tomber le gouvernement en pleine crise sécuritaire et économique, tous les partis doivent y réfléchir à deux fois avant de l’envisager. Mais il est désormais clair que la partition de la Vivaldi est désormais dissonante. Et il apparaît aussi évident qu’Alexander De Croo, en cumulant deux fonctions puisqu’il est à la fois Premier ministre, mais aussi, ministre des Affaires étrangères en remplacement de Sophie Wilmès, n’est plus le chef d’orchestre qui tient tout le monde à la baguette. Il doit y prendre garde, la situation est doucement, mais sûrement en train de lui échapper.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley