La situation des CPAS à Bruxelles est critique : “Le personnel est en souffrance”

La situation des CPAS (Centres Publics d’Action Sociale) en Région bruxelloise est alarmante. Les révélations de la VRT sur le CPAS d’Anderlecht mettent en lumière des difficultés qui concernent toutes les communes de la capitale.

“Le cas d’Anderlecht malheureusement ne m’étonne pas. Traiter les dossiers demande trop de temps”, commente Georgy Manalis, directeur de la Fédération des CPAS bruxellois, suite aux  révélations sur Anderlecht.  “Il y a un manque de personnel dans les CPAS, et le personnel est vraiment en souffrance.”

Pour lui, la situation est si critique que les CPAS peinent à remplir leurs missions conformément aux exigences légales. “Les assistants sociaux n’ont plus le temps de se rendre chez les gens à domicile,” déplore-t-il. Certains assistants disposent à peine de 20 minutes pour échanger sur un dossier avec les bénéficiaires.

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120 à 180 dossiers par assistant

Les témoignages de Georgy Manalis concernent tous les CPAS bruxellois. Selon lui, ils sont tous en sous-effectif et manquent cruellement de moyens. “Le problème est encore plus marqué dans les communes les plus pauvres.”

Fabrice Cumps, bourgmestre d’Anderlecht, abonde dans le même sens ce mercredi: “Cette situation est en partie due au fait qu’Anderlecht est la troisième commune la plus pauvre de Belgique. Par ailleurs, comme dans beaucoup de grands CPAS, nous sommes confrontés à d’énormes problèmes de recrutement pour la première ligne.” À Anderlecht, un assistant social doit gérer en moyenne 200 dossiers, le bourgmestres parle de huit postes d’assistants sociaux qui sont ouverts mais la commune ne trouve personne pour ces postes.

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Le nombre de dossiers a explosé avec la crise du COVID-19 et la crise énergétique. Le personnel, dépassé, ne peut plus suivre correctement les différents dossiers. “Cela entraîne également une hausse des burn-out parmi les employés des CPAS, car leur charge de travail est trop importante et ils perdent le sens de leur mission,” déclare Georgy Manalis.

Selon la Fédération des CPAS bruxellois, le nombre maximal de dossiers par assistant social devrait être de 80, et de 50 pour ceux chargés des insertions professionnelles. Or, les chiffres actuels montrent que ces normes sont largement dépassées.

“Un recrutement massif”

Les perspectives sont encore plus préoccupantes, notamment face à la potentielle réforme de l’assurance chômage envisagée par le futur gouvernement fédéral. “Je suis effrayé par ce que l’avenir nous réserve, surtout quand on réfléchit à de nouvelles charges à imposer alors que nous ne parvenons déjà pas à répondre à la demande actuelle,” déclare Georgy Manalis. “Toutes les éventuelles mesures fédérales visant à renvoyer vers les CPAS la charge de l’accompagnement des usagers exclus du chômage signifieraient – ni plus ni moins – une paralysie totale de nos services sociaux de proximité“, selon Fabrice Cumps.

Pour lui, il est impératif de reconnaître le rôle essentiel des CPAS et de leur donner les moyens nécessaires pour remplir leurs missions. Cela implique un recrutement massif de personnel et une meilleure coopération entre les différents niveaux de pouvoir. Il appelle à “une collaboration renforcée entre les CPAS, l’ONEM et Actiris pour anticiper une potentielle crise liée à l’exclusion du chômage”.

Georgy Manalis se positionne également contre l’idée de fusionner les CPAS bruxellois en une seule entité régionale :”Cela ne fonctionnerait pas, car ce qui marche dans les CPAS, c’est la connaissance du terrain. Il est crucial d’avoir du personnel qui connaît les différents quartiers.” Il cite en exemple la Ville de Bruxelles, qui adopte une approche inverse en décentralisant ses antennes pour se rapprocher des habitants. Une fusion, selon lui, ferait perdre cette dimension locale et rendrait le travail des assistants sociaux encore plus complexe.

Rémy Rucquoi – Photo Belga