La prostitution un dernier tabou sur la voie de la dépénalisation
Pendant trois ans, Hans Vandecandelaere, historien de formation, a enquêté dans les milieux de la prostitution en Belgique. Vitrines, bars à champagne, salon de massage, webcam, prostitution privée ou de rue, il a rencontré une trentaine de travailleurs et travailleuses du sexe pour tenter de dresser un portrait tout en nuances.
Hans Vandecandelaere a voulu faire une radiographie sans complaisance de la prostitution et a interrogé les responsables politiques flamands et bruxellois pour tenter de comprendre les différentes approches. Dans la Région bruxelloise, ce sont surtout les règles urbanistiques qui jouent un rôle dans la réglementation de la prostitution. A Schaerbeek ou Saint-Josse, c’est en imposant des règles urbanistiques ou sanitaires qu’on a tenté de rendre les conditions de travail des femmes plus acceptables.
A Schaerbeek, on a privilégié l’écoute alors qu’à Saint-Josse, le bourgmestre Emir Kir (Indépendant), a pendant longtemps refusé de discuter avec les associations. La commune a surtout racheté les immeubles où se trouvaient les carrées quand cela était possible. “C’est un cas très compliqué puisqu’on est au sein d’un quartier habité. Peut-être, il faut commencer à réfléchir à ne pas accorder des certificats. On peut réfléchir à une procédure de fin mais en douceur “, explique Hans Vandecandelaere.
L’auteur se pose aussi la question de la légalité des différents règlements communaux. Pour certains, les taxes imposées sur les salons ou les carrées relèvent du proxénétisme. La rue d’Aerschot par exemple, c’est 26 millions d’euros de chiffre d’affaires et une partie des revenus génère des taxes perçues par la commune. Seulement, l’activité coûte en réalité plus cher à la commune qu’elle ne rapporte. Et lorsque Schaerbeek décide d’améliorer les conditions de travail des dames, elle doit tout le temps se demander si ce qu’elle fait est légal et n’organise pas la prostitution ce qui est interdit.
La prostitution de rue
A côté du quartier Nord, il y a aussi celui de l’Alhambra et sa prostitution de rue. Pour le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close (PS), il faut clairement l’éradiquer. “Une des choses qui m’a frappé durant mon enquête, c’est l’absence de la Région bruxelloise. Chaque bourgmestre a son approche et rien n’est mis en commun alors que le ministre-président, Rudi Vervoort (PS) peut agir. D’ailleurs, la gestion de la prostitution est indiquée dans l’accord de gouvernement.” Une taskforce a été créée mais elle ne s’est jamais réunie.
Un changement dans le code pénal
A la réalité de terrain, s’ajoute la question du statut des prostituées. Pour le moment, il est très flou et leur activité n’est pas légalement reconnue en Belgique. Le pays la tolère uniquement. Récemment, l’ancien ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) a modifié le code pénal et notamment l’article réglementant la prostitution. “L’activité est enlevée du code pénal, explique Hans Vandecandelaere. C’est passé en deuxième lecture mais avec la chute du gouvernement Michel et ensuite la pandémie, le travail législatif s’est arrêté. Mais la Belgique se dirige vers une légalisation plutôt que l’abolition.’
Il faudra voir si le débat reprend lorsque le covid sera un peu derrière nous.
■ Interview de Hans Vandecandelaere par Vanessa Lhuillier
Le dernier tabou, le travail du sexe en Belgique chez 180° Editions
Photo : Belga