La ministre Simonet veut s’attaquer au portefeuille des trafiquants de drogue, en les considérant comme indépendants
La ministre des Indépendants Éléonore Simonet (MR) a annoncé ce lundi son intention de faire systématiquement considérer comme indépendants les personnes qui bénéficient financièrement du crime, comme les trafiquants de drogue. Celui chez qui on découvre un trafic devrait donc en théorie perdre le droit aux diverses allocations dont il bénéficie éventuellement (CPAS, chômage, etc.), et s’acquitter des cotisations sociales correspondant à un statut d’indépendant.
Les violences liées au trafic de drogues à Bruxelles font la une de la presse ces derniers mois. “On le sait, c’est surtout le trafic de drogue qui fait de nos quartiers un véritable chaos” déclare Eléonor Simonet, Ministre des Classes moyennes, des Indépendants et des PME. Face à la situation, la ministre veut ajouter sa pierre à la lutte contre la vente de stupéfiants, en agissant dans le cadre de ses compétences ministérielles. Comment ? En leur attribuant le statut social d’indépendant. Dès lors, toute personne qui vend de la drogue peut se retrouver inscrite comme indépendant.
Bien loin de légitimer cette pratique illégale, l’objectif est de toucher financièrement les vendeurs, en les obligeant à contribuer. “Je ne suis pas naïve, certains pourraient être insolvables” reconnaît la ministre. “Ils ne payeront pas les cotisations. Mais le fait de les affilier fait qu’ils peuvent perdre leurs allocations.” Cet aspect est le second volet de la manœuvre. “Je ne m’attaque pas aux acheteurs.”
Un projet rendu possible grâce à deux types de document. Tout d’abord, la transmission de jugements concernant des affaires pour trafic de drogues auprès de l’INASTI, l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants. Cela permettra, sur base des informations de ces jugements, d’entamer la procédure d’affiliation. Même sans jugement, l’Inasti pourrait prendre une décision d’affiliation, selon la ministre, sur base de PV ou de constatations de la police locale ou des auditorats du travail. Les constats policiers aussi pourraient être utilisés. À voir au cas par cas si une affiliation est possible. L’idée, c’est de systématiser cette pratique.
Plusieurs dizaines de milliers d’euros
L’affiliation peut être rétroactive jusqu’à 5 ans, et se termine en cas d’incarcération. “Pour une période d’un trimestre, le chômage récupéré peut déjà s’élever à 4.500 €, sans compter d’éventuelles autres sanctions. La cotisation minimale à la sécurité sociale pour un travailleur indépendant s’élève à 871,71 € par trimestre. Les montants exacts varient selon le dossier, mais pour un revenu moyen, cela peut représenter des dizaines de milliers d’euros sur cinq ans“, peut-on lire dans un communiqué du cabinet ministériel.
“La mesure existe déjà“, nous précise Eléonore Simonet. “Nous avons déjà un outil juridique.” Cet outil, c’est l’article 3 de l’arrêté royal n° 38, qui régit le statut social des indépendants :”Par travailleur indépendant, on entend toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens d’un contrat de travail ou d’un statut. Est présumée, jusqu’à preuve du contraire, se trouver dans les conditions (…), toute personne qui exerce en Belgique une activité professionnelle susceptible de produire des revenus (…).”
Autrement dit, quelle que soit la nature de l’activité. Une mesure déjà confirmée par la jurisprudence. “Cette mesure ne vise absolument pas à remplacer la justice. Je ne me mêle pas de l’aspect judiciaire dans ce type de dossier. L’idée, c’est d’intervenir au niveau de ma compétence. J’agis en prévention et en dissuasion.”
Dans les colonnes de la DH de ce lundi, Julien Moinil, le procureur du roi de Bruxelles, réagissait à la proposition. “Toute volonté de lutter contre le trafic de drogue est bonne.(…) Si le gouvernement veut considérer qu’un dealer doit payer en plus des cotisations sociales, pourquoi pas si la législation le permet. L’important, c’est qu’on ait des moyens de récupérer ces fonds.”
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