La gaffe qui déplace le débat, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la déclaration de Paul Magnette sur la sortie de l’e-commerce en Belgique.

Il y a des déclarations qui font mouche. Qui provoquent le débat, quand ça se passe bien. Les moqueries, quand ça se passe mal. Mais qui ont le don d’être au centre de toutes les attentions.  Et même si leur auteur les regrettent parfois, ces petites phrases chocs ont au moins un grand mérite : imposer un nouveau thème dans l’actualité.

En indiquant qu’il serait souhaitable de sortir de l’e-commerce et qu’on pourrait faire de la Belgique un pays sans commerce électronique avec de vrais magasins et des villes animées, Paul Magnette est donc dans ce registre de la petite phrase qui fait le buzz. Une déclaration tellement énorme et à contre-courant de ce qu’on entend habituellement qu’elle attire immédiatement l’oreille et suscite une multitude de réactions interloquées, courroucées ou scandalisées. Au jeu de la petite phrase, c’est probablement Georges-Louis Bouchez qui a dégainé le plus fort. « Le 19e siècle ne peut pas être un projet de société ». Et dans la foulée, tout le secteur du commerce ou de la logistique qui est monté au créneau pour rappeler que cette économie représente déjà des milliers d’emplois, que le consommateur plébiscite l’e-commerce et que si les centres de logistique, comme on les appelle, ne s’installent pas en Belgique, ils opéreront depuis la France ou les Pays-Bas et qu’on n’a rien à y gagner.

En milieu de journée, Paul Magnette a donc précisé sa pensée, avec des interviews à la télévision ou à la presse écrite. Il n’est pas question de faire disparaître tout l’e-commerce.  Et le président du Parti socialiste de se lancer dans une explication de texte, expliquant avoir voulu réagir à une sorte de fascination pour le modèle hollandais. « Je dis aux journalistes flamands : non, il ne faut pas flexibiliser à cause d’une concurrence avec les Pays-Bas. Il ne faut pas tirer vers le bas ». Et Paul Magnette d’estimer qu’on ne doit pas autoriser le travail au-delà de minuit.

En apparence, Paul Magnette a ainsi dû faire une sorte de courbe rentrante. Envisager sortir de l’e-commerce, la déclaration avait de quoi surprendre. Clairement irréaliste et impraticable, si on voulait accréditer l’image d’un parti qui est tourné vers le passé et ne comprend rien à l’économie d’aujourd’hui, on ne pouvait pas faire mieux. À l’arrivée pourtant, ce buzz négatif n’est pas tellement mauvais. Parce qu’avec sa communication en deux temps, le président du PS a réussi à mettre au centre du jeu une problématique qui passait un peu inaperçue, mais qui doit être tranchée vendredi en Conseil des ministres. Forcer à avoir une réflexion sur la qualité du travail, sa rémunération, les horaires acceptables et ceux qui ne le sont pas, les tâches indispensables et qui méritent une prime de pénibilité et celles qui le sont moins et qu’on peut remettre au lendemain, ce n’est peut-être pas si ringard ni anecdotique. Après avoir passé deux ans à parler de Covid, de nucléaire ou d’inondations… Que ce soit volontairement ou en gaffant, refaire du travail un thème central, c’est permettre au Parti socialiste d’entrer dans un débat qui finalement, lui convient très bien.

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Un édito de Fabrice Grosfilley