La cinéaste Agnès Varda est décédée à l’âge de 90 ans
La cinéaste bruxelloise Agnès Varda est décédée dans la nuit de jeudi à vendredi à l’âge de 90 ans, a annoncé sa famille à l’AFP.
“La réalisatrice et artiste Agnès Varda est décédée chez elle dans la nuit du jeudi des suites d’un cancer. Sa famille et ses proches l’entouraient”, ont-ils annoncé dans un communiqué.
Née à Ixelles en 1928, Agnès Varda est connue pour ses nombreux films réalisés dès les années ’50 et ’60, en plein cœur de la Nouvelle Vague, dont “Cléo de 5 à 7”, “La pointe courte”, “Sans Toit ni loi”. Également photographe et plasticienne, elle a mené ces dernières années des expositions de photographes et d’œuvres artistiques en Belgique et en France.
Elle était passée sur le plateau du Cour(r)ier Recommandé, le 24 février 2016, pour évoquer sa carrière et son exposition “Patates et compagnie”, qui était visible au Musée d’Ixelles.
Et en 2013, l’artiste avait été honorée par la Ville de Bruxelles, pour l’ensemble de son œuvre. Une école de photographie et de vidéographie, dans la rue Claessens à Laeken, porte également son nom. La Ville de Bruxelles a d’ailleurs ouvert un registre de condoléances, accessible au public dès ce samedi pour les personnes qui souhaitent manifester leur solidarité envers les proches de l’artiste.
De la Belgique à la France
Née Arlette Varda le 30 mai 1928, à Ixelles, d’un père grec et d’une mère française, Agnès Varda fuit la Belgique bombardée en 1940 pour rejoindre Sète (sud de la France) où elle passe son adolescence, avant de rejoindre la capitale française. À Paris, elle étudie à la Sorbonne et à l’Ecole du Louvre où elle obtient un CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) de photographie, sa première passion.
En 1949, Agnès Varda rejoint son ami sétois, Jean Vilar, à Avignon. Ce dernier y a fondé le désormais célèbre festival de théâtre deux ans plus tôt. Varda y rencontre de nombreuses personnalités du théâtre et du cinéma et la réalisation commence à la démanger. Elle tourne d’ailleurs son premier long-métrage de fiction, “La pointe courte”, en 1954. En 1958, elle rencontre celui qui deviendra son mari et le père de ses deux enfants, le cinéaste Jacques Demy. Il adoptera en effet Rosalie, l’enfant que la réalisatrice vient d’avoir avec le comédien Antoine Bourseiller.
Quatre ans plus tard, en 1962, elle réalise “Cléo de 5 à 7”. Ses films des années 1960, “Le Bonheur”, “Les Créatures” et “Lions Love” poussent les critiques à l’associer aux réalisateurs de la Nouvelle Vague. À la fin des années 60, elle suit son mari et quitte le Vieux Continent pour Los Angeles. Elle y fait notamment la rencontre du charismatique leader des Doors, Jim Morisson, et celle du roi du Pop art, Andy Warhol.
Féministe et défenseure des droits humains
De retour en France et résolument féministe, comme elle l’a prouvé dans le film “L’une chante, l’autre pas”, elle sera l’une des premières à signer le manifeste des 343 en 1971 (pétition signée par 343 personnalités féminines en faveur de la légalisation de l’avortement). Au fil de sa carrière, elle s’intéresse aussi aux sans-abri, et dirige Sandrine Bonnaire en lui confiant le rôle poignant d’une jeune SDF vouée à la mort dans “Sans toit ni loi” en 1985. Le film remporte le Lion d’Or de la Mostra de Venise et permet à Sandrine Bonnaire de recevoir le César de la meilleure actrice.
À chaque film, Agnès Varda avoue qu’elle enquête sur les sujets traités à la manière d’“un journaliste, mais sans son objectivité, avec les sensations, les émotions, en prime”. Jacques Demy, son mari, décède en 1990 alors qu’elle est en train de tourner un film sur son histoire, “Jacquot de Nantes”. Deux autres documentaires viendront compléter son hommage à l’homme de sa vie, “Les Demoiselles ont eu 25 ans” et “L’Univers de Jacques Demy”.
En 2000, “Les glaneurs et la glaneuse” est un autre moment important dans sa carrière. En utilisant une caméra numérique, elle peut réaliser, seule, ce documentaire. Il sera suivi d’un deuxième opus, en 2002, sobrement intitulé “Deux ans après”.
Documentaires et expositions
Dans les années 2000, elle organise de multiples expositions, notamment “L’Île et Elle” à la Fondation Cartier (2006) et une exposition hommage à Jean Vilar au Festival d’Avignon (2007). Après avoir dépeint le quotidien des autres tout au long de sa carrière, elle réalise un autoportrait en 2008, “Les Plages d’Agnès”, qui obtient le César du meilleur film documentaire. Son dernier grand succès sera “Visages, villages”, un documentaire réalisé avec l’artiste photographe JR, qui recevra l’œil d’or au festival de Cannes en 2017.
L’artiste a reçu de nombreuses distinctions personnelles. En 2001, elle a notamment vu sa carrière auréolée d’un César d’honneur. En 2009, Agnès Varda est faite Commandeur de la Légion d’honneur et l’année suivante Docteur honoris causa de l’Université de Liège. Elle est également lauréate du Prix de l’Académie royale de Belgique en 2011 et élevée à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre national du Mérite en 2013. En 2015, elle se voit décerner la Palme d’honneur du Festival de Cannes pour l’ensemble de son œuvre cinématographique. En février dernier, elle avait été honorée de la Caméra de la Berlinale où elle présentait hors compétition son nouveau documentaire “Varda par Agnès”. Elle y avait annoncé “ralentir” et avait dit se préparer “à dire au revoir”.
Gr.I. avec Belga – Photo : Belga/Michel Krakowski
■ Reportage de David Courier et Élodie Fournot.