La Belgique pas une destination Dublin valable pour les hommes seuls, jugent les Pays-Bas
Il y a “défaillance systémique des autorités belges en matière d’accueil et de protection des droits de ce groupe”, justifie le Conseil d’Etat néerlandais. Ce dernier confirme ce qu’un tribunal de La Haye avait déjà estimé il y a un an.
Le Conseil d’Etat des Pays-Bas a rendu mercredi un arrêt qui pointe un doigt accusateur vers la Belgique: les autorités néerlandaises ne peuvent plus utiliser de procédure Dublin pour renvoyer vers Bruxelles des demandeurs d’asile s’il s’agit d’hommes seuls.
En vertu du règlement dit “de Dublin”, un seul pays européen est responsable du traitement d’une demande d’asile: en général, celui auprès duquel le demandeur d’asile s’est enregistré pour la première fois, ou par lequel il est entré en Europe. Si la personne tente sa chance ailleurs, elle doit être renvoyée vers ce premier port d’attache.
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La Belgique n’offre cependant plus les garanties suffisantes en termes de respect des droits humains pour être considérée comme un tel “port d’attache” valable, juge en substance le Conseil d’État néerlandais. En mars 2024, la même juridiction avait pourtant jugé que la Belgique était toujours une destination digne de confiance pour les demandeurs d’asile masculins et seuls. Mais à l’époque, il était attendu que les autorités belges allaient améliorer la capacité d’accueil. “Des informations disponibles, il apparait que les améliorations promises n’ont pas eu lieu et qu’il n’y a pas de perspective d’élargissement de la capacité d’accueil”, note le “Raad van State” mercredi.
“Le manque de places d’accueil pour demandeurs d’asile masculins isolés n’est plus temporaire, mais est devenu structurel. Et il n’est pas clair si ce groupe de demandeurs d’asile peut compter sur l’accueil d’urgence ou pour sans-abri”. Par ailleurs, note encore l’instance néerlandaise, ces hommes n’ont “pas accès à une protection juridique effective, car les autorités belges ne respectent pas les jugements et ne paient pas les astreintes”. Dans sa communication, le Conseil d’État néerlandais parle d'”indifférence” des autorités belges. Un mot qui a immédiatement fait tiquer la ministre en charge de l’asile et la migration, la N-VA Anneleen Van Bossuyt. Celle-ci a réagi mercredi, rejetant toute idée d'”indifférence” et assurant qu’il y avait surtout eu “une surcharge structurelle (du réseau d’accueil de demandeurs d’asile, NDLR), durant des années”. “J’ai hérité d’une crise de l’asile”, affirme-t-elle.
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Ces dernières années, la Belgique a effectivement laissé s’installer une situation dans laquelle seuls les demandeurs d’asile considérés comme les plus fragiles, femmes, familles et mineurs non accompagnés, sont directement pris en charge. Les hommes seuls ont en principe également droit à être logés et nourris, le temps que leur demande de protection soit traitée, mais dans les faits ils sont placés, s’ils le souhaitent, sur liste d’attente, par manque de places dans le réseau Fedasil. Quand la précédente secrétaire d’État à l’Asile et la migration Nicole de Moor avait pris la décision en août 2023 de ne plus loger les hommes seuls, elle avait fait un tollé.
Par la suite, le Conseil d’État avait suspendu la mesure, sans réel effet sur le terrain cependant. L’État belge a été condamné à de nombreuses reprises en justice, pour les manquements de son accueil des demandeurs de protection internationale. Selon Fedasil, il y a actuellement environ 1.800 hommes seuls inscrits sur cette fameuse liste d’attente. Quand ils se présentent à l’Office des étrangers, on leur indique qu’ils peuvent s’inscrire en ligne pour attendre qu’une place se libère dans le réseau d’accueil. La plupart doivent attendre plusieurs mois. “Au plus fort de la crise, à l’été 2024, on en était à environ 4.000 personnes sur la liste d’attente”, note Benoît Mansy, porte-parole de Fedasil. Il y a donc eu une amélioration, alors que le réseau dans son ensemble atteint une “capacité record, avec actuellement environ 35.300 places”, précise-t-il. La ministre Anneleen Van Bossuyt rappelle vouloir miser avant tout sur une diminution des entrées, une accélération des sorties (du pays) et la lutte contre les “abus”. “C’est nécessaire pour pouvoir offrir une protection humaine à ceux qui y ont droit”, affirme-t-elle.
Belga





