Ils se sont reconvertis à cause de la crise du Covid

Depuis quelques semaines, la vie reprend peu à peu. Les restaurants, les bars ont rouvert. Par contre, le monde de la nuit et l’événementiel n’ont pas encore de perpectives claires. Tous ceux qui travaillaient dans ces secteurs avant la crise ont dû composer avec l’arrêt de leurs activités. Il a fallu s’occuper. Chômage technique, reconversion temporaire ou définitive, avec la difficultés pour les patrons de retrouver de la main d’œuvre à l’heure de la reprise.

A la tête de plusieurs bars et guinguettes (Le Tigre, Chez Ta Mère, Liesse, La Laiterie, Woodpecker, Chez Malou) Thuan Lam est confronté au problème. ” Il y a effectivement plusieurs membres de notre personnel, dans nos différents bars, qui ont profité de cette période Covid pour changer de voie, voire qui ont repris des études.” Et il n’est pas facile de les remplacer. “On a beaucoup de difficultés à trouver de nouveaux collaborateurs. Sans doute parce que tout reprend de manière brusque, du jour au lendemain. Tout le monde cherche en même temps.” explique-t-il.

Chris Buys fait partie de ceux qui ont saisi l’opportunité de changer de vie. Gérant du bar à cocktails Chez Ta Mère, il a d’abord profité, lors du premier confinement, de ces vacances forcées. “Mais au bout de 2 mois, je suis devenu fou. J’ai alors recommencé le dessin.” Puis, au début de l’été dernier, c’est la reprise pour l’Horeca. “Ce sont des métiers très physiques. On marche beaucoup.” Et Chris se blesse au ménisque. Nouvel arrêt forcé d’un mois et demi. “Je me suis alors posé la question de savoir si je voulais continuer comme ça pendant 30 ans. J’adore mon métier, j’adore servir et conseiller les gens, mais là, j’ai décidé de reprendre des études de bande dessinée à Saint-Luc.

Au bout de cette première année d’étude, Chris ne regrette rien. Il va poursuivre son cursus tout en gardant un pied dans l’Horeca. “C’est un métier très ouvert, on peut avoir un pied dedans tout en faisant autre chose.” Avec les études, Chris a quitté Chez Ta Mère, un bar de nuit qu’il adore, pour rejoindre Tarzan, aux horaires un peu plus calmes. Une belle transition avant d’entamer une carrière dans la bande dessinée.

De régisseur à… éducateur en hôpital psychiatrique

Le secteur de l’événementiel est lui aussi toujours à l’arrêt. Et Pierre-Alain Breeveld, gérant de la société Step in live, qui travaille sur des événements culturels non subsidiés, comme des concerts, des spectacles… s’inquiète pour la reprise: “beaucoup de personnes avec lesquelles on travaillait avant la crise ont trouvé des emplois stables et fixes dans d’autres domaines. Ce sont des personnes que nous avions formées nous-mêmes.” 

Il s’agit, par exemple, de régisseurs de site, responsables, sur un festival de musique ou autre événement, de la gestion de tous les fournisseurs, du montage et du démontage de grosses structures. Ou encore des manutentionnaires d’engins de levage. “Ils ont suivi des formations que nos entreprises ont payées et ils sont partis chez DHL et Amazone qui, durant la crise, ont eu besoin d’énormément de main d’œuvre.”

Ludovic Obsomer, lui, après plusieurs années en tant que régisseur freelance, venait d’être engagé par Step in Live. “Ça a duré 6 mois et puis tout s’est arrêté. Je me suis retrouvé en chômage Covid et j’ai cherché du boulot.” Bien avant de se lancer dans le monde du spectacle, Ludovic avait obtenu un diplôme d’éducateur, sans jamais travailler dans ce domaine. “Et là, je suis animateur-éducateur dans un hôpital psychiatrique.” Une reconversion heureuse qui lui permet de retrouver des horaires plus confortables et une vie de famille. “Mais il  y a l’amour du métier, de la musique, du spectacle, je reste passionné par tout ça.” Pour l’instant, Ludovic a signé un contrat à durée déterminée. “A moins que l’on m’offre un CDI là où je suis, je reviendrai dans l’événementiel, c’est sûr.

De nombreux événements ont aussi été reportés depuis le début de la crise. A la reprise, il risque d’y avoir embouteillage. “On gère parfois 2 ou 3 concerts en une soirée, et ce n’était déjà pas facile de trouver du personnel avant la crise, là, ça pourrait être 5 ou 6 événements en même temps. Je ne sais pas comment on va pouvoir assurer une telle production” conclut Pierre-Alain Breedveld.

Monde de la nuit : le manque de perspectives

Membre de la fédération Brussels By Night, le club La Cabane, à Watermael-Boitsfort, ne doit son salut qu’à la prime Tetra, la prime de soutien économique de la Région bruxelloise, reçue en avril dernier. “Chaque club bruxellois a reçu entre 75 000 et 100 000 euros, en fonction de ses bénéfices et du nombre de personnes engagées” explique Julian Leclercq, l’un des associés de La Cabane. 

Avant cela, nous n’avions reçu que 4000 et 9000 euros.” Mais ce dernier coup de pouce permet juste de sortir la tête hors de l’eau ajoute Julian: “ on a déjà utilisé toute la prime pour s’arranger avec notre propriétaire et payer nos dettes.

A l’arrêt depuis presqu’un an et demi, Julian n’a cependant pas dû se reconvertir. “Avec mes associés, en tant qu’indépendants, nous avons touché le droit passerelle, ça nous a permis de tenir. Seul l’un de nous 3 complète ses revenus avec une autre activité.” Ils en ont profité pour mettre de l’ordre au niveau administratif et faire quelques travaux au sein du club.

Le plus dur c’est le manque de perspectives” poursuit Julian. “On ne peut pas se projeter. Au départ, on pensait fermer pour 1 ou 2 mois, puis ça s’est prolongé, c’est devenu plus dur psychologiquement avec une totale incertitude sur la reprise.” Si Julian traverse plutôt bien cette période, malgré avoir travaillé sur plusieurs projets de réouverture qui sont finalement tombés à l’eau, il n’en est pas de même pour tous ses collaborateurs. “L’un d’eux, indépendant complémentaire, souffre de son inactivité et est aujourd’hui sous anti-dépresseurs.

Valérie Leclercq

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11 juin 2021 - 18h01
Modifié le 11 juin 2021 - 18h01