Haute École Francisco Ferrer : le port de signes convictionnels fait toujours débat
Au Parlement bruxellois, le débat sur la neutralité dans les services publics vient de s’ouvrir aujourd’hui. L’un des grands dossiers du sujet à Bruxelles reste toujours épineux : le port de signes convictionnels à la Haute École Francisco Ferrer. Une partie des professeurs souhaite leur interdiction et introduire un nouveau recours en ce sens. Certains étudiants sont stupéfaits de cette nouvelle action qu’ils considèrent comme une forme d’acharnement.
En novembre 2017, deux étudiantes avaient introduit une action en cessation devant le Tribunal de Première instance de Bruxelles contre le règlement d’ordre intérieur de l’école. L’un des articles interdisait le port de tous signes convictionnels qu’ils soient philosophiques, politiques ou religieux. Finalement, le 24 novembre dernier, elles gagnent leur procès contre la Haute École Francisco Ferrer. Dans son jugement, le tribunal a reconnu le caractère discriminatoire de l’article et a ordonné son abrogation. Selon la décision de justice, l’interdiction devait être prévue par un décret et pas uniquement par le règlement de la haute école.
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Pour faire appel de cette décision, le collège de la Ville de Bruxelles, pouvoir organisateur de l’établissement, avait jusqu’au 20 janvier et aucune action n’a été entreprise. Pour le MR, le manque de cohérence est flagrant. “La Ville de Bruxelles a une longue tradition de neutralité, en particulier dans son enseignement, quelles que soient les majorités au pouvoir. Aujourd’hui, c’est tout à fait le contraire”, explique Céline Vivier (MR), conseillère communale à la Ville de Bruxelles. “Nous y voyons une brèche inquiétante dans nos valeurs, qui n’est pas sans rappeler l’inaction incompréhensible du gouvernement Régional Bruxellois dans l’affaire bien connue de la STIB. Nous ne transigerons pas : la neutralité de l’État doit constituer le fondement de notre société et est la condition d’un vivre-ensemble où chacun est respecté dans sa différence, sa conviction, sa culture ou sa religion”.
De son côté, la Ville de Bruxelles se refuse aujourd’hui à tout commentaire, que ce soit Faouzia Hariche (PS), Échevine de l’Instruction publique francophone ou le bourgmestre Phillippe Close (PS).
Un nouveau recours introduit par les professeurs
Fin janvier, environ 70 professeurs, en activité et à la retraite, ont décidé d’introduire un recours en tierce opposition. Cette procédure permet à une personne de demander au juge de statuer une nouvelle fois sur un dossier déjà traité, même si elle n’y était pas intervenue. Il faut cependant que le premier jugement affecte ses droits ou intérêts.
Dans cette optique, le Centre d’Action Laïque (CAL) s’est joint au collectif. “Ces enseignants nous ont tout de suite appelés à l’aide. Il était assez évident pour nous de les soutenir. En plus, la Haute école libre de Bruxelles Ilya Prigogine (HELB) s’est aussi jointe au recours, ce qui est assez significatif”, explique Hervé Parmentier, secrétaire général adjoint du CAL.
Le CAL espère que le Tribunal de Première instance de Bruxelles revienne sur sa décision. “Dans ce cas-ci, il s’agit d’un type d’enseignement particulier qui a pour objectif de former des étudiants à des métiers où le respect de la neutralité est exigée. Je pense notamment aux futurs enseignants, ou à certaines professions de la santé. Ça s’apprend pendant les études et pas seulement durant les stages”, détaille-t-il.
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Mr. Parmentier souligne et regrette aussi que ce type de dossier évolue souvent en fonction des décisions de justice. “Les tribunaux en viennent à se substituer aux pouvoirs politiques. L’arrêté dit que ce n’est pas tellement à la Ville de Bruxelles ou au pouvoir organisateur de prendre ce genre de décision, d’interdire ou non, mais bien au législateur de l’enseignement, en l’occurrence le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles”.
“Une forme d’acharnement”
Selon le Collectif les 100 diplômées, qui lutte contre les discriminations et les exclusions dont sont victimes les femmes portant le foulard, les arguments avancés par le CAL et les professeurs ne sont pas valables. “La mission de l’école Francisco Ferrer est de former les étudiants. Ensuite, la question de l’emploi, c’est un autre domaine. L’école n’a pas à se positionner là-dessus”, détaille Sabrina, l’une de ses membres.
La nouvelle procédure en justice semble difficile à accepter par le Collectif. Selon Sabrina, les professeurs dépassent largement le cadre de leur mission d’enseignement en donnant leurs avis sur l’expression religieuse de leurs élèves. “Le recours en tierce opposition est à disposition de tous les citoyens et nous nous en réjouissons. Mais, dans ce cas-ci, c’est une procédure exceptionnelle utilisée dans une affaire qui a déjà consommé énormément d’énergie et pour laquelle la justice a déjà tranché. Nous faisons face à une forme d’acharnement de la part de ces enseignants. Sont-ils vraiment neutres ?”, explique Sabrina.
Le recours introduit par les professeurs inquiète les étudiantes qui portent le voile quant à la manière dont elles seront évaluées. Le collectif prêtera donc particulièrement attention au bon déroulement de leurs examens.
Ma. Ar. – Photo d’illustration : Belga/Nicolas Maeterlinck