“Harcèlement”, “Bashing”…: des directeurs du Siamu dénoncent les pressions des officiers opérationnels
Trois anciens directeurs administratifs de l’institution bruxelloise ont déploré ce mardi en commission des Affaires intérieures du parlement bruxellois avoir été systématiquement mis à l’écart des décisions concernant le Siamu.
Administration squelettique, mise à l’écart systématique par les officiers en charge de l’opérationnel, intimidations, menaces, burn-out, craintes des mandataires politiques d’intervenir face au risque de voir défaillir un corps indispensable à la sécurité: les auditions de trois (ex-)directeurs administratifs du Service de l’Incendie et de l’Aide Médicale Urgente (Siamu) ont suscité un malaise perceptible mardi parmi les membres de la commission des Affaires intérieures du parlement bruxellois.
Ceux-ci procèdent depuis la semaine dernière à une série d’auditions pour tenter d’y voir clair dans la gestion du SIAMU, à la suite d’un rapport accablant de la Cour des Comptes sur celle, défaillante, des marchés publics au sein de ce corps de sécurité de la capitale au cours de la période 2012-2015.
► La commission sur la gestion du Siamu en vidéo
“Harcèlement, Bashing”
La plus en verve au cours d’une matinée d’auditions dans une atmosphère lourde fut Chantal Jordan, directrice générale du service administratif entre février 2013 et juin 2015. La directrice a été entendue comme Johan Schoups, directeur général adjoint de février 2013 à février 2014 et Thiery Mercken, directeur général faisant fonction désigné après elle et suspendu en décembre dernier. Elle a notamment expliqué avoir fait l’objet d’un refus systématique de collaboration par les officiers de la direction opérationnelle.
“L’attribution en 2013, en ma qualité de directrice générale, des pouvoirs de gestion administrative et financière a été contestée immédiatement par la direction opérationnelle, vivement appuyée par les organisations syndicales. J’ai été la cible de harcèlement en bande organisée, de “mobbing”, de bashing syndical relayé largement relayé via la presse et à certains moments par l’autorité de tutelle, la secrétaire d’Etat Cécile Jodogne“, a-t-elle dit d’emblée.
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Des bons de commande de véhicules en question
Chantal Jordan a déploré ne pas avoir été soutenue par l’actuelle secrétaire d’Etat qui a mis fin à une procédure qu’elle avait engagée pour étoffer le cadre administratif “squelettique“. Selon Mme Jordan, Cécile Jodogne l’a par ailleurs convoquée, “dans les cinq minutes“, lorsque l’ex-directrice administrative a refusé de signer un bon de commande de quatre véhicules de liaison pour les officiers, se posant des questions un an après avoir été invitée à signer un autre bon pour quatre autres véhicules de ce type.
“J’avais constaté auparavant qu’un véhicule de service s’est retrouvé dans la région de Louvain pour servir à la femme de l’officier chef de service. C’est dans les rapports de la Cour des comptes. C’est aussi le cas d’un camion prêté à Middelkerke pendant dix ans pour lequel le service payait une assurance“, a-t-elle expliqué.
Toujours selon Chantal Jordan, le jour de son entrée en fonction comme officier chef de service, Ivo De Vijver a demandé une carte de crédit, sans quoi il refusait de collaborer avec elle. “Il ne l’a pas eue et à partir de ce moment je n’existais plus“, a-t-elle poursuivi. L’ex-directrice a aussi fait état de l’achat, par le prédécesseur de M. De Vijver, d’aspirateurs, d’un appareil Coyote et de dépenses fréquentes de consommations dans un hôtel huppé de Bruxelles.
“Quand la Cour des comptes a pointé des problèmes avec l’attribution des chèques-repas et que j’ai voulu en tenir compte, je me suis retrouvée brûlée sur la place publique (ndlr: l’effigie de Mme Jordan incendiée lors d’une manifestation)… Vous essayez de résister au jour le jour aux hommes de main des officiers et au cabinet qui veut éviter les manifestations“, a-t-elle encore témoigné.
“Proche du burn-out”
De son côté, Thierry Mercken a précisé que confronté à de graves problèmes avec l’officier chef de service Ivo De Vijver, il avait été proche du burn-out, mais qu’il avait résisté, sachant que celui-ci prenait sa pension dans les six mois. A l’annonce de la prolongation du mandat de M. De Vijver pour six mois, il a fait part à la secrétaire d’Etat de son intention de s’adresser à Attentia pour ouvrir un dossier de harcèlement. Mme Jodogne l’a encouragé à le faire, mais la carrière de M. De Vijver a effectivement été prolongée.
Depuis lors, les relations avec le nouvel officier chef de service se sont améliorées, même si le comité de direction des pompiers est tout sauf paritaire entre les services opérationnel et administratif. Les deux officiers qui ont refusé de répondre à la Cour des comptes dans le cadre de l’audit en font partie, a-t-il ajouté.
► Notre dossier sur la gestion du Siamu
Reportage: Michel Geyer et Thierry Dubocquet
Article Belga, photo Belga