Des associations caritatives se sentent menacées par les exigences de l’AFSCA

L’AFSCA, l’agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, doit-elle contrôler les associations qui distribuent des repas aux plus démunis ? Certaines d’entre elles ont fait l’objet de contrôles récemment, elles dénoncent des règles trop strictes par rapport à la réalité du terrain.

Dans la cuisine de l’église anglicane Holy Trinity d’Ixelles, des bénévoles préparent un curry au légume. Ils préparent 650 repas destinés au hub humanitaire qui accueille les migrants. Cette solidarité a été mise à mal, le mois dernier, par un contrôle de l’AFSCA. Sous peine d’amende, l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaine Alimentaire exige, sur chaque portion, la date, le nom du plat et la liste de tous les allergènes.

Pour les deux ASBL à la manœuvre, c’est un non-sens : “Mettre des étiquettes sur chaque petite portion de nourriture qui va être distribuée dans une heure, ça semble être une tâche très difficile pour un groupe de bénévole déjà, alors qu’on se sent déjà noyé par la demande qui ne cesse d’augmenter“, argumente Catriona Laing, co-coordinatrice de la Comnunity Kitchen.

Tous comme demander la traçabilité des légumes provenant de potagers de particuliers, ces exigences administratives risquent de mettre en péril la distribution des repas aux personnes vulnérables. “Il y a moyen de réfléchir à des procédures, des protocoles et des règles qui sont en lien avec le contexte dans lequel nous sommes. On est ici pour répondre à un besoin humanitaire. Je pense qu’il ne faut pas que nos ASBL soient détournées de leurs missions par des règles qui n’ont pas de sens“, déplore Nathan Torrini, directeur exécutif de l’association Serve The City.

L’AFSCA réagit

L’AFSCA rappelle, cependant, que des assouplissements existent déjà pour les associations caritatives. L’agence précise cependant que l’on ne peut pas déroger à des règles de sécurité alimentaires, imposées en réalité par la législation européenne : “S’il y a une maladie ou une contamination, on doit pouvoir retourner à la source pour retirer cette denrée alimentaire du marché afin d’éviter que tout le monde ne la consomme et tombe malade“, clarifie Aline Van Den Broeck, Porte-parole de l’AFSCA. “Pour l’étiquetage, il y a aussi un assouplissement qui est prévu dans la mesure où les informations sur les allergènes peuvent être données oralement“, ajoute-t-elle.

Ces assouplissements sont insuffisants, selon Bruss’Help. L’organisme qui coordonne les dispositifs d’aide d’urgence réclame une concertation avec les acteurs de terrain. “C’est avoir la confiance dans les acteurs, qu’ils puissent auto contrôler, auto-évaluer leurs pratiques, plutôt que d’avoir ce recours à ces contrôles surprises”, explique François Bertrand, le directeur de Bruss’Help. “La deuxième chose, c’est la formation. C’est quelque chose qui est promis par l’AFSCA, ça nous semble une très bonne pratique, mais que l’on ne constate pas encore concrètement sur le terrain”, reproche-t-il.

L’AFSCA, de son côté, assure que ces contrôles ne veulent en rien entraver le travail des associations caritatives. Une formation collective sur l’hygiène en cuisine est programmée pour décembre.

■ Reportage de Marie-Noëlle Dinant, Marjorie Fellinger et Pierre Delmée