Des aides spécifiques pour les startups ? Les avis divergent

Elles sont désormais  plus de 800. 855 startups belges ont signé un appel à l’aide adressé aux gouvernements régional et fédéral en faveur de mesures adaptées à leurs spécificités, faute de quoi certaines pourraient bien disparaître. En temps de crise, ces entreprises ont des difficultés liées à leur écosystème particulier. Pour autant, leur demande est-elle légitime? 

La difficulté pour les startups, entreprises très jeunes, c’est que bien souvent elles démarrent et c’est la pire période pour suspendre une activité.”, résume Ibrahim Ouassari, cofondateur de MolenGeek, incubateur à startups situé à Molenbeek.

Nicolas Frenay, à la tête de la jeune entreprise de communication visuelle Explained Reality, est signataire de l’appel. Sa startup existe depuis trois ans et emploie cinq personnes. “Nous sommes heureusement peu nombreux, cela limite les dégâts au moins sur le terrain de l’emploi. On peut se débrouiller. ” Par contre, la petite entreprise est toujours en recherche de marchés. “Or les levées de fonds sont à l’arrêt et ce n’est pas le moment idéal pour conclure des contrats, tout le monde est en plein doute.” C’est là l’un des obstacles majeurs rencontrés par les startups. Mais les situations sont variables, en fonction notamment des domaines d’activités. Nicolas Frenay a une vision global du secteur, car il dirige aussi BeTech, plateforme forte de 7000 membres, destinée d’une part à aider les jeunes entrepreneurs mais aussi à développer aujourd’hui des actions de solidarité pour répondre aux besoins liés à la crise, comme le Covid-Solidarity. “Beaucoup de sociétés ont des problèmes de liquidité et sont bien plus à plaindre que nous. Certains en revanche s’en sortent mieux.” Mais selon lui, il faut aider un secteur largement ébranlé par la crise : “c’est l’économie de demain qui est touchée, il faut garantir son avenir.” Car l’une des caractéristiques de ces entreprises, c’est leur jeunesse, et donc leur relative fragilité.

“Nous faisons un métier à risque, nous devons l’assumer”

Réaction radicalement différente du côté de Toon Vanagt, à la tête de la jeune société bruxelloise data.be., banque de données rassemblant des informations sur toutes les sociétés belges. Certes, il est lui aussi dans la tourmente, avec un chiffre d’affaire en berne. “Tout ce qui concerne les projets de recherches de nouveaux clients, de vente et d’intégration sont à l’arrêt.” Heureusement, sa société, créée en 2012 et employant 7 personnes, peut compter sur quelques clients récurrents, ce qui lui permet de survivre. Mais Toon Vanagt a refusé de signer l’appel : “On demande des aides astronomiques pour sauver nos plans de croissance trop agressifs. Nous faisons un métier à risque, il faut l’assumer.”, s’emporte-t-il. L’entrepreneur a d’ailleurs publié son opinion dissidente dans un tweet qui a provoqué un torrent de réactions courroucées, mais aussi de soutien.

Les startuppers vivent dans une bulle, complètement en dehors de la réalité. Des gens travaillent quotidiennement au péril de leur vie. Le timing de cet appel est déplorable. “, conclut-t-il.  En matière d’aides, la juste place des startups est en bas de la liste, dit encore Toon Vanagt. Si mesures spécifiques il doit y avoir, ajoute-t-il, elles devraient être exclusivement liées à l’emploi, et conditionnées à une gestion raisonnable du risque.

“On veut rester ancrer dans le réel et le local”

Chez Molenbike,  “on continue à fonctionner mais uniquement pour tout ce qui est considéré comme vital.”, nous répond Raphaël Arnould, administrateur-délégué de la coopérative de coursiers à vélo. La société dit vouloir se concentrer sur les besoins essentiels : livraisons aux personnes fragiles, livraisons de masques à des structures de soin, comme les centres de planning familial. Mais, comme tant d’autres, la société fait face à un gros ralentissement de l’activité et une perte du chiffre d’affaire estimé à 80%. La petite entreprise âgée de trois ans fait face à un problème de liquidité, “des clients importants qui ne peuvent plus payer.” La survie de la société est-elle en jeu ? “Pas si on reste dans le calendrier annoncé par le gouvernement.” Pour autant, Raphaël Ernould a choisi de ne pas se joindre à l’appel des startuppers : “Qui est vraiment à plaindre? Les petits commerces, les structures locales, nos clients qui ont dû fermer en raison des mesures de sécurité sanitaires. Les startups signataires de cet appel sont généralement plutôt dans le spéculatif, elles ne sont pas ancrées dans les réalités locales. Ce n’est pas notre manière de voir les choses. ”

Sabine Ringelheim – Photo : Belga