Débats animés autour de la “loi pandémie” à la Chambre

La commission Intérieur de la Chambre se penchait mercredi sur le projet de loi pandémie dont la dernière version a été remise par la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) cette semaine. L’opposition s’est dressée contre un vote sur le texte dès jeudi en plénière. Et mercredi, plusieurs femmes et hommes de droit ont publié une carte blanche pour demander qu’une vraie réflexion soit menée.

La majorité – MR, PS, Ecolo, Groen, Vooruit, CD&V et Open Vld – s’est montrée prompte à lancer les discussions rapidement. Une “hâte” que l’opposition – cdH Défi, PTB, N-VA – a rejeté d’un revers de la main. Les représentants de l’opposition ne veulent pas, avec un vote en commission mercredi et en plénière jeudi, d’un passage en force du texte.

Le projet de loi doit donner une assise juridique plus solide aux mesures de restriction prises dans le cadre de la crise sanitaire, qui dure depuis plus d’un an. Il a revêtu une importance accrue depuis une ordonnance du tribunal de première instance de Bruxelles, qui a enjoint à l’Etat de donner une base légale à ces mesures d’ici la fin du mois. Le Conseil d’Etat s’est prononcé récemment sur le texte, amenant le gouvernement à faire quelques adaptations. Le parlement a également mené une série d’auditions et remis quelque 600 pages d’avis sur ce texte.

Le projet de loi définitif prévoit que les mesures sanitaires soient “en principe prises par arrêté royal”, sauf si l’urgence impose de les prendre par arrêté ministériel. Sauf s’il y a extrême urgence, le gouvernement fédéral devrait aussi se concerter au préalable avec les gouvernements des entités fédérées si les mesures sont de nature à avoir un impact sur des domaines politiques qui relèvent de leurs compétences. Le délai accordé au parlement pour confirmer l’arrêté royal décrétant ou maintenant la situation d’urgence épidémique, a en outre été porté à 15 jours, permettant ainsi un débat parlementaire.

Selon l’opposition, le gouvernement n’a pas suffisamment tenu compte des auditions et avis du Parlement. Vanessa Matz (cdH) a comparé les débats sur l’avant-projet de loi à un “os à ronger” et soutenu ressentir une impatience de la ministre à faire passer le texte définitif sans réel débat. Le MR, pourtant membre de la majorité, a également admis être “resté sur sa faim” avec ce texte, des mots de Denis Ducarme.

Autre problème: le rôle trop réduit que confère le projet de loi au Parlement en matière de gestion crise et de contrôle des mesures restrictives. Défi et cdH ont d’ailleurs soumis leurs propres propositions de loi en tenant davantage compte du rôle de contrôle du Parlement. La prise en considération des publics vulnérables n’est par ailleurs pas suffisamment évoquée dans le projet de loi, ont encore fait valoir plusieurs partis.

“L’objectif n’est pas de faire passer ce texte à la hussarde“, a assuré la ministre Verlinden au moment de répliquer. “Je ne pense vraiment pas que le parlement ne jouera pas son rôle avec cette loi”.

Des critiques de l’extérieur

Il n’y a pas que les députés qui émettent des critiques vis à vis de cette loi pandémie. Du côté des juristes, cela coince également. Ils ont publié une carte blanche dans la Libre Belgique de ce mercredi pour demander aux députés de prendre leur temps. Pour eux, la loi ne peut pas régler toutes les pandémies futures. Evidemment, elle doit donner un cadre légal aux mesures prises par le gouvernement fédéral suite à l’ordonnance du tribunal de première instance, mais des points doivent encore être discutés comme la protection des données à caractère privé ou encore le niveau des sanctions en cas de non respect.

Pour Séverine Evrard, avocate et médiatrice agrée, il faut donc prendre le temps, que le parlement retrouve son pouvoir et que la Ligue des droits humains demande effectivement le paiement des astreintes.

■ Interview de Séverine Evrard, avocate et médiatrice agrée, par Vanessa Lhuillier

Photo: Belga/Thierry Roge