CPAS d’Anderlecht : ce qu’il faut retenir de l’audition de ce mercredi

Une semaine après les révélations de la VRT sur les dysfonctionnements du CPAS d’Anderlecht, une audition était organisée devant la commission des affaires sociales du Parlement fédéral. La ministre de l’insertion sociale, Karine Lalieux (PS), mais aussi les présidents des fédérations des CPAS ou encore le secrétaire général du CPAS d’Anderlecht étaient interrogés par les députés fédéraux. Mais qu’avons-nous appris de cette audition ?

Karine Lalieux s’est voulue claire hier : le SPP Intégration Sociale (organe fédéral de contrôle chargé, notamment, de celui des CPAS) n’a pas attendu les révélations du reportage de la VRT  pour inspecter le CPAS d’Anderlecht. La ministre de l’Action sociale explique que les contrôles sont intervenus en 2022 et 2023 “en en demandant expressément au CPAS de rédiger un plan d’action avec les remarques identifiées. Faute d’amélioration significative, l’administration a décidé début octobre 2024, donc avant le reportage, d’une part de sanctionner le CPAS pour les dossiers hors délais (de 30 jours). D’autre part, l’administration a demandé au CPAS d’apporter des améliorations concrètes en 2025 faute de quoi les récupérations effectuées partant de l’analyse d’échantillons de dossiers seront alors extrapolées à l’ensemble des dossiers.”

Plusieurs mécanismes de contrôle

À la demande des députés, la ministre a d’ailleurs détaillé les mécanismes de contrôle des CPAS déjà existants. D’abord, chaque demande est automatiquement analysée par un logiciel du nom de Nova Prima. Là, un système d’alerte (appelé clignotant) s’active si la moindre anomalie ou inconformité aux conditions légales est détectée. Le dossier est alors bloqué. À titre d’exemple, 0,9% des 3.831 formulaires introduits en 2023, à Anderlecht, ont été signalés de la sorte. Ensuite, il y a des contrôles comptables (dits on desk) ainsi que des contrôles sur place (dits in situ).

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Suite au reportage de la VRT, les dossiers des deux journalistes qui, sous couverture, avaient introduit une demande d’aide ont été analysés. Karine Lalieux constate que “l’analyse est sans équivoque : les aides étaient illégitimes. Le SPP a d’ores et déjà demandé le remboursement.” Dans la foulée, une analyse de l’ensemble des nouvelles demandes introduites depuis le 1ᵉʳ septembre 2024 a également été demandée.

Un besoin d’homogénéisation

Les différents acteurs auditionnés ont aussi tenu à rappeler le caractère humain des différents profils qui constituent les CPAS. Ainsi, il est vrai que les dossiers ne sont pas tous traités de la même manière, puisqu’ils sont, quelque part, laissés à l’appréciation des agents et mandataires des CPAS.

Dans son reportage, la VRT dénonce le clientélisme dont auraient fait preuve l’ex-président Mustapha Akhouz ainsi que l’actuel président du CPAS d’Anderlecht, Mostefa Lotfi. Mais, si l’intervention d’un élu pour accélérer ou modifier, dans l’urgence, le traitement d’un dossier est faite sans but (électoral par exemple), alors l’intervention est tout à fait prévue par la loi. Et d’après les rapports actuels, c’est de ce genre d’interventions dont il s’agirait ici.

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Si les députés demandaient à supprimer ce pouvoir d’action politique ou à ce que les conditions de traitement soient harmonisées, alors ce n’est plus au fédéral d’intervenir. La ministre a insisté sur ce point, ces compétences relèvent des entités fédérées, à savoir la COCOM pour la Région Bruxelles-Capitale.

Des moyens insuffisants

Ce sont des travailleurs à bout de souffle qui font tourner la machine du CPAS d’Anderlecht aujourd’hui. Et pour cause, il s’agit de la troisième commune la plus pauvre de Belgique, 8,7% des habitants bénéficient d’une aide sociale. Une pauvreté qui a été renforcée par les différentes crises : COVID, crise de l’énergie et accueille des réfugiés ukrainiens.

D’autant que le CPAS tourne avec un manque d’effectif conséquent : seize postes d’assistants sociaux sont pour l’instant vacants. Les employés actuels de l’organisme doivent alors gérer 190 dossiers chacun. Une charge de travail énorme.

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En 2021, après le constat de dysfonctionnement, la création d’une cellule anti-fraude avait été ordonnée par le président et le conseil du CPAS d’Anderlecht. Le secrétaire général du CPAS d’Anderlecht, Harold Peeters, est accusé de ne pas avoir répondu à la demande. Mais ce dernier affirme ne pas avoir empêché la mise en place de la cellule anti-fraude en tant que telle. Il explique en revanche que la création d’une telle cellule nécessiterait un recrutement de personnel. Or, le CPAS ne dispose donc pas des moyens nécessaires.

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De nombreuses zones d’ombres persistent, en tout cas, après cette journée d’audition. D’autres auditions pourraient dès lors être demandées par les députés fédéraux. La COCOM, le bourgmestre d’Anderlecht ou encore des travailleurs sociaux du CPAS d’Anderlecht pourraient être interrogés.

B. M.