Covid-19 : où en est la recherche sur les traitements?

En un an et demi, les laboratoires pharmaceutiques associés à des structures de recherche ont réussi à mettre au point plusieurs types de vaccins contre la covid-19. En parallèle, certains ont poursuivi les études cliniques sur les traitements. Les anticorps monoclonaux semblent être une piste à exploiter.

L’Europe a mis une grande partie de sa force sur la vaccination. Pour la Belgique, elle est la clé qui permettra de mettre fin à la pandémie de sras-cov-2. En faisant ce choix, la recherche de moyens curatifs a été un peu mise de côté. Or, il faudrait également trouver un moyen de guérir cette maladie et ses complications. Certaines personnes ne répondent pas à la vaccination, ne peuvent pas être vaccinées ou ne le désirent pas. L’immunité restera partielle et une partie de la population ne peut pas être vaccinée, explique le professeur en santé publique, Yves Coppieters. Il faut donc un traitement. Nous n’avons pas le choix mais nous manquons pour le moment de données scientifiques. Il faudrait que la Belgique investisse aussi dans les études de terrain et se base sur la pratique.”

Pas de traitement avant la deuxième vague

Lorsque la covid- 19 apparait, les médecins sont désemparés et ne savent pas quelles molécules utiliser pour soigner les patients et éviter les complications. Rapidement, certains médicaments semblent pouvoir être efficaces dans des expériences in vitro, comme l’hydroxychloroquine. Mais tout aussi rapidement, les études démontrent qu’elle n’a en réalité pas d’effet sur les patients. “Des antibiotiques, des antiviraux utilisés pour le VIH ont aussi été étudiés et semblaient prometteur in vitro mais ensuite les études cliniques montraient qu’ils ne provoquaient pas de réponse chez les patients, précise Jean-Christophe Goffard, directeur du service de médecine interne à l’hôpital Erasme. Il a fallu attendre septembre 2020 pour qu’on trouve que les anticoagulants permettaient d’éviter les risques de thromboses provoqués par le sras-cov-2 et que la dexaméthasone (dérivé de la cortisone) jouait sur la pneumonie engendrée par la covid-19.”

Cette découverte permet alors de faire baisser le taux de mortalité des personnes placées sous oxygène de 20%. Aujourd’hui, quand un patient est hospitalisé en Belgique, il reçoit donc de l’oxygène, des anticoagulants et de la dexaméthasone“Il a été maintenant prouvé que les antiviraux ne servaient à rien, ajoute Nicolas Dauby, infectiologue au CHU Saint-Pierre. On se base sur des traitements antiinflammatoires ou immunomodulateurs.”

Eviter les hospitalisations

La recherche doit encore se pencher sur des traitements pour les personnes hospitalisées mais elle étudie aussi comment éviter ces formes graves de la maladie. On le sait aujourd’hui, ce sont surtout les personnes atteintes de comorbidité comme l’hypertension, l’obésité, le diabète ou qui sont immunodéprimés qui risquent de faire des formes graves et d’être hospitalisées.

Aux Etats-Unis, certains se penchent sur l’Ivermectime qui est un antiparasitaire. Il semble plutôt efficace mais il doit être administré en grande quantité ce qui provoque d’autres dérèglements. “A haute dose, il est toxique, explique Jean-Christophe Goffard. C’est pour cela que l’OMS ne le préconise pas. Certains tentent actuellement de trouver d’autres formes d’administration comme en aérosol mais l’efficacité n’est pas encore démontrée.”

Les anticorps monoclonaux, une source d’espoir

Par contre, les anticorps monoclonaux semblent être une source d’espoir. C’est le traitement qui a été administré à Donald Trump et qui lui a permis de ressortir fringant quelques jours après sa contamination à la covid-19.

Les anticorps sont fabriqués en laboratoire et sont ensuite injectés au patient pour mimer l’action des anticorps naturellement produits par le système immunitaire. Ces anticorps de synthèse sont dirigés contre la fameuse protéine Spike du virus. “Il s’agit de l’immunisation passiveexplique le professeur émérite d’immunologie, Michel Goldman. Depuis plus d’un siècle, cette méthode a fait ses preuves. Au fil du temps, la sérothérapie a évolué vers l’injection d’anticorps purifiés à partir du plasma humain avant l’avènement des anticorps monoclonaux produits en laboratoire.”

Pour être efficace, ce traitement doit être administré dans les 5 jours suivant l’apparition des premiers symptômes. “On pourrait se concentrer sur les personnes présentant des comorbidités et qui ont donc de fortes chances d’être hospitalisées, ajoute Jean-Christophe Goffard. On sait qu’entre 1 et 2% de la population risque de faire des complications. Or, les études ont démontré que si on administre rapidement des anticorps monoclonaux, on réduit le risque d’hospitalisation de 70% et de 100% celui des décès. Cela est donc considérable.”

Actuellement, le traitement le plus avancé est celui de la firme américaine Regeneron qui devrait être commercialisé en Europe par la firme Roche. C’est en réalité un cocktail de deux anticorps. L’Agence européenne des médicaments a déjà émis une opinion favorable. D’autres firmes comme GSK se penchent sur ce traitement.

“Ce traitement concerne une niche de patients. On pourrait surtout l’administrer aux personnes hospitalisées qui attrapent la covid durant leur séjour ou de manière préventive à celles qui ne peuvent se faire vacciner car immunosupprimées”, tempère Nicolas Dauby.

Des inconvénients

Cependant, les anticorps monoclonaux ont plusieurs désavantages. Tout d’abord, ils doivent être administrés très rapidement dès les premiers symptômes. Il faut donc être dépisté très tôt.

Ensuite, ils sont injectés par intraveineuse ce qui nécessite de se rendre en milieu hospitalier. “Cela veut dire que vous devez avoir une structure capable d’accueillir des patients covid donc contagieux et mobiliser du personnel infirmier, un lit pendant deux heures pour vérifier qu’il n’y ait pas d’allergie, ajoute Nicolas Dauby. C’est donc très lourd pour un hôpital et coûteux.” Des recherches ont lieu pour une administration sous-cutanée ce qui permettrait aux généralistes notamment de faire les injections.

Enfin, ils sont chers: 2.000 euros par patient. “Si on prend en compte le coût d’une hospitalisation en soins intensifs, il est plus rentable de payer un traitement monoclonal, tempère Jean-Christophe Goffard. Prenez certains patients qui viennent de recevoir une greffe. Cela a déjà coûté des centaines de milliers d’euros à l’Etat. Ils ne peuvent pas être vaccinés et s’ils attrapent la covid, ils ont 21% de chance d’en mourir. Le calcul est vite fait pour moi.” Pour Nicolas Dauby, le calcul doit cependant être fait vu l’infrastructure à mettre en place.

Renoncer aux brevets

Pour les experts, il faut aussi que les états et l’Union européenne discutent avec les firmes pharmaceutiques pour revoir le coût réel du traitement. Si elles doivent faire du profit, il ne faut pas que celui-ci soit disproportionné. “Elles pourraient renoncer à leur brevet dans les pays du sud pour les traitements et les vaccins, plaide Jean-Christophe Goffard. Les états peuvent avoir un vrai poids et il ne faut pas oublier les pays du sud. On ne peut pas vacciner uniquement l’Occident.”

Si on laisse le virus se développer dans les pays dits émergents, nous risquons d’avoir des variants plus puissants qui résisteront aux anticorps que nous avons produit avec notre vaccination ou nos traitements. “Il y a cette crainte des variants, ajoute Michel Goldman. C’est pour éviter qu’ils n’échappent au traitement que les anticorps monoclonaux sont administrés en association. En effet, si le virus présente une mutation qui lui permet d’échapper à un anticorps, l’autre anticorps du cocktail qui cible une région différente de la protéine Spike restera actif. Et puis on fonde beaucoup d’espoirs sur des anticorps qui cibleraient de façon très spécifique des régions de la protéine Spike qui ne font pas l’objet de mutations, pour des raisons que nous ne comprenons pas encore bien. Ils pourraient ainsi avoir une efficacité contre tous les variants, y compris ceux qui surgiront à l’avenir.”

D’autres études se poursuivent notamment sur un antiviral: le molnupiravir. La firme Merck a lancé la phase 2A de son étude. Il permettrait de réduire la charge virale et pourrait être facilement administré notamment dans les pays du sud. Enfin, la Grande-Bretagne vient de donner le feu vert pour des corticoïdes inhalés. Ces anti-inflammatoires, utilisés contre l’asthme persistant, semblent très efficaces pour éviter la progression de la maladie et peuvent être donnés pendant 7 à 10 jours. C’est un traitement bon marché.

Le rôle de l’Union européenne

Comme cela a été fait pour les vaccins, l’Union européenne pourrait négocier de manière globale l’achat de traitement, notamment des anticorps monoclonaux. Les Etats-Unis ont déjà fait des commandes tout comme la France, l’Allemagne et l’Italie. En Belgique, les deux académies de médecine viennent de demander au ministre de la Santé de permettre aux patients belges d’en bénéficier également. Si les Etats-Unis ont mis plus de 450 millions dans la recherche de traitement, l’Union européenne n’agit que par enveloppes de dizaines de millions. Ainsi, elle a investi 90 millions d’euros dans les études démographiques et les essais cliniques afin d’établir des liens entre les facteurs de risque et les résultats en matière de santé.

D’ici à juin 2021, la Commission élaborera un portefeuille de 10 traitements potentiels de lutte contre la covid-19 et recensera les cinq plus prometteurs. D’ici octobre, elle souhaite autoriser au moins trois nouveaux traitements et éventuellement deux autres d’ici à la fin de l’année.

Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Dirk Waem