La Cour constitutionnelle s’insurge contre la privatisation de l’accès au droit

Le juge de la Cour constitutionnelle Pierre Nihoul a dénoncé mardi le “scandale” que constitue à ses yeux la privatisation de l’accès aux sources juridiques, un désinvestissement des autorités publiques qui menace l’égalité des citoyens devant la loi.

“Je voudrais épingler ce que j’appellerais un scandale en matière d’accès aux sources juridiques, surtout législatives et jurisprudentielles”, a indiqué Pierre Nihoul à l’occasion de la présentation par le Sénat d’un nouvel outil rassemblant la réglementation institutionnelle en vigueur dans le pays. “La mise à jour quotidienne de nos législations à la suite de la parution journalière du Moniteur n’est plus assurée suffisamment par les autorités”, a assuré le juge. “Certes, il existe des banques de données, au niveau fédéral (…) , au niveau des entités fédérées également, mais ces banques de données ne sont plus systématiquement mises à jour (…) et la seule source, ce sont alors les banques de données privées, de sorte que ces maisons d’édition exercent un véritable monopole de fait en la matière. Ces maisons d’édition renégocient nos abonnements à la hausse, passant ainsi pour la Cour constitutionnelle, de 18.000 euros par an à 50.000 euros par an. Et c’est la même chose pour le Conseil d’État et pour le pouvoir judiciaire”, a-t-il expliqué.

La réglementation institutionnelle disponible en ligne

Pierre Nihoul a appelé le législateur à revoir la loi du 4 mai 2016 qui autorise la réutilisation à des fins commerciales ou non commerciales des informations du secteur public de telle sorte que l’autorité réinvestisse dans ses banques de données. À cet égard, le juge a salué l’“excellente réaction” du Sénat qui a ouvert au public le site https://senlex.senate.be, reprenant la réglementation institutionnelle.

Pour la présidente sortante de la Haute assemblée, Christine Defraigne (MR), “la libre diffusion de l’information juridique contribue à la primauté du droit et à rendre effectifs les idéaux de démocratie”. Chant du cygne de la future première échevine MR de Liège, l’initiative sénatoriale est à ses yeux une contribution “libérale-sociale” à la lutte contre le désinvestissement public en la matière.

Intervenant également lors de la réception inaugurant la mise en ligne de senlex, le conseiller d’État Koen Muylle a à son tour sollicité le législateur, lui suggérant d’autoriser la section législation de l’institution à rendre un avis sur les propositions de révision de la Constitution. Si la déclaration de révision de la Constitution constitue un acte politique, la proposition de révision est relative à un texte susceptible de devenir une règle de droit. À ses yeux, il est opportun d’aviser à l’aune du prescrit constitutionnel et du cadre international y afférent. En ce sens, il convient, selon lui, de réformer l’article 2 des lois coordonnées sur le Conseil d’État.

Avec Belga – Photo : archive Belga/Bruno Fahy

Partager l'article

13 novembre 2018 - 16h00
Modifié le 13 novembre 2018 - 17h20