Fermeture des magasins Cora : plus de 1 700 emplois menacés, Actiris prêt à faciliter le retour à l’emploi des travailleurs bruxellois
Cette annonce implique le lancement d’une procédure d’information et de consultation préalable à un éventuel licenciement collectif pour l’ensemble des 1.779 collaborateurs employés par l’enseigne.
■ Reportage de Camille Tang Quynh et Marjorie Fellinger
“Une vraie catastrophe”, réagit la CNE à la fermeture annoncée des magasins Cora
L’annonce, mardi, par la direction de Cora de son intention de cesser l’activité de ses sept hypermarchés et de ses services support début 2026, avec pour corollaire le licenciement probable de ses 1.779 collaborateurs est une “vraie catastrophe”, a réagi la CNE Commerce. “Les travailleurs s’attendaient à une annonce négative mais pas à ce point-là! L’entièreté des travailleurs est mise à la porte”, fustige Danny Dubois, secrétaire permanent pour la région de Charleroi. Certains magasins ont décidé de fermer leurs portes.
“Les travailleurs sont sous le choc d’autant qu’ils avaient fait de nombreux efforts durant les trois plans de redressement préalables (2014, 2017 et 2023)”, situe le syndicat chrétien. “Ils s’attendaient à une reprise par une autre enseigne, un rachat de la marque ou une réduction de la taille des hypermarchés, mais pas à une fermeture”, explique le représentant des travailleurs. Pour la CNE, la fin annoncée des Cora est liée à l’échec des différents plans commerciaux de la direction. Pour justifier sa décision, l’entreprise a notamment mis en avant la problématique de la concurrence entre les différentes commissions paritaires du secteur. “Cependant, elle n’a jamais rien fait pour l’éviter”, déplore le syndicat. “Depuis des années, les actionnaires du groupe accumulent loyers et profits au sein de la société immobilière. Après avoir vendu le groupe par morceaux, il vend désormais celui-ci en laissant les pertes pour les travailleurs de Cora“, assène l’organisation syndicale. Les négociations du plan de licenciement collectif, dans le cadre de la loi Renault, démarreront prochainement. “Les travailleurs souhaitent partir avec les indemnités les plus dignes possibles, surtout que la majorité des travailleurs et travailleuses ont donné plus de 20 ans de leur vie pour la prospérité de cette entreprise”, souligne Elisabeth Lovecchio, permanente CNE. “Que vont devenir les travailleurs?”, se demande son collègue Danny Dubois, alors que les places sont devenues chères et rares dans le secteur de la distribution, à l’entendre. “Le délai est court car 2026, on y est…”
A cela s’ajoute le contexte politique avec un gouvernement fédéral Arizona qui a annulé toutes les possibilités de négociation en cas de restructuration massive, constate-t-il. “Les possibilités de prépension (RCC) avec un complément payé par l’entreprise n’existent plus tandis que le chômage est désormais limité dans le temps à deux ans”, regrette le secrétaire permanent carolo. La direction de Cora a avancé le modèle de l’hypermarché, où tous les achats, alimentaires comme non-alimentaires, peuvent se faire en un seul et même endroit, comme étant dépassé. Danny Dubois pointe plutôt “la démultiplication des zonings commerciaux, sans pouvoir d’achat supplémentaire pour les consommateurs”.
Au Cora de Châtelineau, les regards étaient en tous les cas assez incrédules mardi matin à l’issue du conseil d’entreprise extraordinaire lorsque l’ensemble du personnel a été convoqué, par micro interposé, dans la réserve du magasin. Le mot “grève” a directement surgi parmi certains travailleurs. “Ne prenons pas comme une grève la fermeture éventuelle de certains magasins”, demande Danny Dubois, appelant à comprendre l’émotion du personnel. Plusieurs magasins ont finalement fermé leurs portes après les assemblées générales des travailleurs organisées dans l’ensemble des sept hypermarchés, “le temps d’accuser le coup”. Ce n’était pas le cas à Châtelineau où l’activité se poursuivait presque normalement mardi.
La CGSLB déplore la longue période d’incertitude et de silence pour le personnel de Cora
Le syndicat libéral a regretté qu’aucun repreneur n’ait souhaité reprendre l’activité des hypermarchés alors que les autres enseignes du groupe Louis Delhaize en ont, elles, bien trouvé un.
Les magasins Match, Smatch, Delitraiteur et Louis Delhaize, dont s’est défait ces derniers mois le groupe Louis Delhaize, verront en effet leurs activités se poursuivre au sein du groupe Colruyt ou de Delhaize. Mais rien ne filtrait jusqu’à présent sur l’avenir de Cora et de son personnel. Le couperet est finalement tombé avec l’annonce, mardi, par la direction de son intention de cesser l’activité de ses sept hypermarchés – situés à Anderlecht, Châtelineau, Hornu, La Louvière, Messancy, Rocourt et Woluwe-Saint-Lambert – et de ses services support début 2026 ainsi que sa volonté de céder les galeries commerçantes attenantes aux hypermarchés.
Une annonce qui implique le lancement d’une procédure d’information et de consultation préalable à un éventuel licenciement collectif pour l’ensemble des 1.779 collaborateurs employés. “Malgré des tentatives de redressement – comme une injection de capital de 30 millions d’euros fin 2023 ou la réduction progressive de la masse salariale – les efforts n’auront pas suffi”, regrette le syndicat libéral.
La CGSLB rappelle que le personnel s’est battu jusqu’au bout pour maintenir l’enseigne à flot malgré les difficultés rencontrées ces dernières années. Elle se mobilisera dès lors pour les accompagner durant la procédure Renault prévue en cas de licenciements collectifs et “veillera à ce que chaque droit soit respecté, que chaque possibilité de reclassement soit étudiée, et que chaque personne soit soutenue humainement et concrètement”.
Le ministre Clarinval exprime son soutien aux travailleurs
Le ministre fédéral de l’Économie et de l’Emploi David Clarinval (MR) a exprimé mardi son soutien à l’ensemble des travailleurs des sept magasins Cora dont le licenciement a été annoncé le même jour. Il recevra “dans les plus brefs délais” la direction et les représentants syndicaux de l’entreprise pour examiner “les mesures d’accompagnement et de réemploi”.
“Un tel licenciement unilatéral est un drame social pour tous les travailleurs et travailleuses touchés de près ou de loin. En tant que ministre de l’Emploi, je veillerai à ce qu’ils puissent bénéficier d’un accompagnement de qualité et que leurs droits soient entièrement respectés”, a commenté M. Clarinval via communiqué. Le ministre a souligné que sur le plan économique, Cora Belgique était “un acteur significatif de la grande distribution”.
En 2024, la société a enregistré un chiffre d’affaires de 571,6 millions d’euros et employait environ 1.810 personnes, ajoute-t-il. David Clarinval sera attentif à la bonne exécution de la procédure Renault, qui impose à l’employeur une procédure d’information et de consultation, assure son cabinet. “Je prendrai rapidement contact avec le ministre-président wallon et le ministre wallon de l’Economie, de l’Emploi, de la Formation et de l’Industrie, Adrien Dolimont et Pierre-Yves Jeholet. Nous développerons ensemble une stratégie commune d’accompagnement et de réemploi des collaborateurs de Cora mais également des sous-traitants et travailleurs indépendants indirectement frappés par cette décision”, ajoute le ministre.
Actiris est prêt à faciliter le retour à l’emploi des travailleurs bruxellois
Le ministre bruxellois de l’Emploi en affaires courantes, Bernard Clerfayt s’est déclaré choqué, mardi matin, par l’annonce de la fin d’activités de l’enseigne Cora en Belgique. Il a également annoncé qu’Actiris était prêt à jouer son rôle pour faciliter le retour à l’emploi des travailleurs bruxellois qui seront licenciés.
“C’est un véritable choc. Actiris est prêt à offrir un accompagnement personnalisé et des solutions concrètes afin de faciliter le retour à l’emploi des Bruxelloises et Bruxellois concernés par cette vague de licenciements“, a commenté le ministre bruxellois sur X.
Interrogé par Belga, le ministre bruxellois de l’Emploi a rappelé que l’on n’en était encore qu’à la phase d’information de la procédure Renault, en début de processus. Il y aura donc d’abord des négociations entre l’employeur et les syndicats pour négocier un accord social sur les modalités des licenciements et de l’outplacement à charge de l’employeur.
Ce n’est qu’à l’issue de cette phase-là, que la Région devra préparer un Plan Social pour accompagner les travailleurs licenciés. Ce sera dans quelques mois. Bernard Clerfayt a précisé qu’il prenait contact, sans attendre, avec son homologue wallon, Pierre-Yves Jeholet pour nous élaborer un plan similaire à celui développé il y a peu pour Carrefour. Actiris sera prêt au moment opportun, a-t-il encore dit.
Le Setca demande à la direction de Cora de trouver des solutions autres que la fermeture
Le Setca a réagi avec déception à l’annonce mardi de la direction de Cora de son intention de fermer ses sept hypermarchés et de ses services de support, avec comme corollaire le potentiel licenciement collectif de l’ensemble des 1.779 collaborateurs de l’enseigne. Le syndicat socialiste demande à la direction de trouver d’autres solutions que la fermeture pure et simple des magasins.
“Le CEO a clairement parlé de cessation d’activités”, déplore le Setca, qui rappelle les trois restructurations au sein de l’entreprise en 10 ans. “Nous nous sommes constamment heurtés à des vents contraires”, regrette-t-il, évoquant un manque d’anticipation de la direction par rapport à l’essoufflement du modèle hypermarché. “L’absence de dialogue au niveau sectoriel sur l’harmonisation des commissions paritaires et le dumping social toujours plus grand, tant par rapport aux nouvelles enseignes arrivant sur le marché que par rapport à la franchise, a été un élément accélérateur de la chute des magasins Cora”, analyse le syndicat socialiste.
Tout comme le relevait la direction de Cora, “le changement de comportement du consommateur, le commerce transfrontalier et l’e-commerce ont fini d’achever ce modèle”, complète-t-il. Le Setca s’en prend également au travail le dimanche mis en place au sein des magasins franchisés Delhaize depuis la restructuration de l’enseigne au lion, “qui ébranle tout le marché des magasins intégrés”.
L’organisation syndicale demande également aux politiques de prévoir des solutions de départs “adoucies” si la fermeture des magasins devait être confirmée. “À l’heure où le gouvernement crie haro sur les prépensions, nous affirmons qu’elles sont indispensables à toute solution sociale d’un tel drame. Nos politiques ont fait de l’exclusion des demandeurs d’emploi après deux ans d’allocations de chômage leur principe. Ce principe est intenable”, tonne le Setca. “Nous exigeons alors de leur part qu’ils trouvent un emploi pour ces travailleurs Cora, qui sont usés par les conditions de travail de la grande distribution et qui ne demandent pourtant qu’à continuer à travailler”, ajoute-t-il.
La moitié des travailleurs ont plus de 20 ans d’ancienneté et 61% d’entre eux sont âgés de plus de 45 ans, situe encore le syndicat, rappelant que des familles complètes travaillent parfois chez Cora et que le drame de la perte d’emploi sera dès lors multiplié par deux ou par trois. “Nous ne tolérons pas et n’accepterons jamais que ces travailleurs, dans deux ans, aillent vers les CPAS”, prévient l’organisation socialiste. “Alors, messieurs les ministres ou présidents de partis, qui désirez tant faire des économies sur les allocations de chômage, trouvez des entrepreneurs qui vont reprendre des travailleurs Cora avec leur profil, leur passé professionnel, leur rage de travailler et tout leur bon vouloir. C’est là que nous pourrons aussi constater que votre politique est une politique qui va droit dans le mur pour les travailleurs sans emploi”, conclut le Setca.
Fin des activités
La direction de l’enseigne Cora a annoncé mardi son intention de cesser l’activité de ses sept hypermarchés et de ses services support début 2026 ainsi que sa volonté de céder les galeries commerçantes attenantes aux hypermarchés.
La direction de l’enseigne du groupe Louis Delhaize, qui compte sept hypermarchés à Bruxelles et en Wallonie (Anderlecht, Châtelineau, Hornu, La Louvière, Messancy, Rocourt et Woluwe-Saint-Lambert), invoque plusieurs raisons, de “l’érosion du pouvoir d’achat” à la “montée en puissance du commerce en ligne”, en passant par la concurrence des magasins étrangers et le déclin du modèle de l’hypermarché. “En Belgique, la segmentation du secteur en différentes commissions paritaires a également créé et maintenu des distorsions de concurrence préjudiciables aux grands magasins comme Cora”, dénonce l’enseigne.
“Pour toutes ces raisons, Cora subit des pertes d’exploitation importantes depuis des années et ce, malgré les efforts constants du personnel et de la direction pour redresser sa situation financière”, poursuit l’enseigne, qui rappelle les “nombreuses initiatives” mises en place ces 10 dernières années pour dynamiser ses ventes ainsi que les “recapitalisations successives de la part de ses actionnaires.” “Les projections économiques futures montrent, par ailleurs, qu’un redressement à court et moyen terme n’est plus possible”, poursuit l’enseigne, évoquant une situation qui n’est “plus viable à long terme”.
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Cora explique avoir examiné la piste de la cession des hypermarchés à un ou plusieurs repreneurs de la grande distribution mais aucun d’entre eux ne s’est montré intéressé par une reprise d’hypermarchés intégrés dans les conditions actuelles de marché. La direction dit aussi avoir exploré, en vain, plusieurs options comme la réalisation de nouveaux plans de relance, l’adaptation de son organisation de travail ou la révision du format des magasins. D’ici à la fin de la procédure et l’éventuelle fermeture, Cora continuera ses activités et les hypermarchés resteront ouverts. “La direction partage l’émotion et le choc que suscite cette annonce pour des travailleurs qui n’ont en aucune façon démérité. L’annonce de ce jour est le résultat de facteurs contextuels et ne relève en aucun cas d’un manque de combativité ou de compétence des collaborateurs, qui peuvent être extrêmement fiers des défis relevés au cours de ces dernières années”, assure encore l’enseigne. En parallèle, l’actionnaire de Cora et de la société Galimmo, qui possède les galeries attenantes aux hypermarchés Cora et gère les centres commerciaux, prévoit de les céder à la société immobilière Mitiska REIM, qui en rachètera les actifs immobiliers. “Ce projet vise à rénover les espaces actuellement occupés par Cora et à les subdiviser en unités plus petites afin de les louer. Il permettra aux centres commerciaux de poursuivre leurs activités et de préserver l’emploi direct et indirect des zones de chalandise”, selon Cora.
Le produit de cette vente permettra à l’enseigne de financer les “obligations sociales et diverses liées à la potentielle transformation envisagée.”
Belga