Climat : quelles conclusions tirer du dernier rapport du Giec ?
Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) a publié ce lundi la synthèse de neuf années de travaux sur le climat. Un rapport qui rappelle la nécessité pour l’humanité d’enfin agir radicalement au cours de cette décennie cruciale pour s’assurer “un futur vivable”.
Cette synthèse, qui succède à celle de 2014 et n’aura pas d’équivalent dans la décennie en cours, est “un guide de survie pour l’humanité”, a souligné le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Ce rapport est composée de deux textes. Le premier est un condensé, en une cinquantaine de pages, des précédentes publications sur le sujet. Le second, d’une trentaine de pages, est un résumé à destination des décideurs politiques.
Ce consensus scientifique du Giec sera la base factuelle des intenses tractations politiques et économiques des prochaines années. A commencer par le sommet climat de l’ONU en décembre à Dubaï, la COP28, où un premier bilan des efforts de chaque pays dans le cadre de l’accord de Paris sera dévoilé et où l’avenir des énergies fossiles sera âprement négocié.
Plusieurs constats
Ce rapport est aussi l’occasion de tirer plusieurs constats. Le doute n’est désormais plus permis : la responsabilité des activités humaines sur les dérèglements climatiques est “sans équivoque” aux yeux des experts du Giec. Il est également clair que le rythme et l’ampleur de ce qui a été fait jusqu’à présent, et les plans actuels, sont insuffisants pour lutter contre le changement climatique.
Les huit dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées au niveau mondial. À l’avenir, elles compteront donc parmi les plus fraîches du siècle, quels que soient les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre.
► Lire aussi | L’édito de Fabrice Grosfilley : toujours plus chaud
Le réchauffement climatique atteindra 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle dès les années 2030-2035, prévient le Giec, alors que la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne. Cette projection est valable dans presque tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre de l’humanité à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.
“Pour tout niveau de réchauffement futur, de nombreux risques associés au climat sont plus élevés que ce qui avait été estimé” dans le précédent rapport de synthèse de 2014, écrivent les scientifiques. Ils s’appuient sur la multiplication observée récemment des événements météo extrêmes comme les canicules, et de nouvelles connaissances scientifiques, par exemple sur les coraux. “En raison de la montée inévitable du niveau des océans, les risques pour les écosystème côtiers, les personnes et les infrastructures continueront à augmenter au-delà de 2100“, soulignent-ils aussi.
“Un message d’espoir”
Ces différents constats sont finalement les tristes résultats des prévisions annoncées depuis plusieurs années, mais les scientifiques ont également voulu apporter un message d’espoir. Ce que nous allons faire dans les dix prochaines années aura un impact pour un millier d’années, prévient le Giec. Des solutions existent pour limiter le réchauffement, mais celles-ci doivent être rapides et profondes.
“Des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions (…) conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies“, écrit aussi le groupe de scientifiques pour le compte de l’ONU. “Ce rapport de synthèse souligne l’urgence à prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons toujours assurer un futur vivable pour tous“, insiste le président du Giec, Hoesung Lee.
Cela passe évidemment par la réduction du charbon et la production de pétrole et de gaz, mais le temps est compté. ”Les options d’adaptation qui sont réalisables et efficaces aujourd’hui deviendront limitées et moins efficaces avec l’augmentation du réchauffement climatique”, prévient le Giec.
► Voir notre reportage | Lancement de la première assemblée citoyenne pour le climat
La solution passe aussi par les investissements. Le Giec encourage à intensifier la “finance climatique”. Cela veut dire cesser d’investir dans les énergies fossiles pour investir massivement dans les énergies renouvelables.
Enfin, ce rapport du Giec est un nouvel appel aux dirigeants politiques. Les scientifiques exhortent les pays à respecter les engagements pris lors des sommets pour le climat de ces dernières années. Un respect qui fait encore aujourd’hui défaut.
“Ce rapport est un message d’espoir“, insiste auprès de l’AFP le président du Giec. “Nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés” mais “ce qui manque pour l’instant, c’est une volonté politique forte afin de les résoudre une fois pour toutes“, juge l’économiste coréen.
Et à Bruxelles ?
À Bruxelles, le gouvernement a récemment adopté un avant-projet de son fameux plan Air-Climat-Energie, qui vient d’être soumis à enquête publique. Au centre de ce plan : la rénovation du bâti, la fin des chaudières mazout, la réduction de la viande et l’adaptation de la mobilité. Tous ces changements requièrent une réorientation des subsides et des primes afin de permettre aux entreprises et aux particuliers de participer à cette transition énergétique.
L’objectif annoncé par la gouvernement : moins de 47% d’émissions de gaz à effets de serre en 2030 en Région bruxelloise par rapport à 2005.
Mais à nouveau, après les annonces, il faudra que les actes suivent. Comme le conclut le Giec dans son rapport, “Le monde marche, alors qu’il faudrait sprinter“.
■ Les explications de Victor de Thier dans le 12h30