Carte blanche: d’anciens dirigeants de l’enseignement schaerbeekois défendent le personnel de l’Ecole n°1
Le 30 avril, un rassemblement de parents devant l’école avait tourné à l’émeute. Ces derniers disaient ne pas croire aux conclusions de l’expertise médicale et soupçonnaient des actes de pédophilie au sein de l’école. L’enquête a démontré que les saignements dans les sous-vêtement de la fillette de 4 ans – qui a déclanché les protestations – étaient dus à une infection. D’anciens dirigeants de l’enseignement à Schaerbeek, dont d’anciens directeurs de l’école n°1, ont écrit une carte blanche pour défendr ele personnel de l’école.
Viol à l’école 1. Le sommeil de la raison engendre des monstres.
“Dans son domaine, chacun des signataires connaît bien l’école communale n°1 de Schaerbeek, et plus largement, le groupe scolaire « La Ruche – Josaphat » qui abrite aussi l’Institut technique Frans Fischer, depuis plus de 40 ans. Tous les cinq, nous avons œuvré, avec de nombreux autres, à faire de ce groupe scolaire un modèle. Et nous étions, et sommes toujours fiers, que le réalisateur Roger Beeckmans y ait passé une année entière pour tourner son film « Une leçon de tolérance ». Aujourd’hui, après les événements qui ont commencé le 25 avril et que les médias ont largement relayés, nous sommes partagés entre des sentiments divers qui vont de la colère à la tristesse en passant par le découragement.
Le 25 avril, des parents récupèrent leur petite fille à la sortie de l’école. De retour à la maison, la maman constate que la petite a des traces de sang dans sa culotte. Elle soupçonne quelque chose d’anormal et retourne à l’école. Immédiatement, l’école réagit d’une manière que nous n’hésitons pas à qualifier de parfaitement professionnelle : recours à l’infirmière scolaire, information à l’échevinat, réorientation vers l’hôpital le plus proche.
Les écoles sont régulièrement confrontées à des situations délicates. Elles sont conscientes de la fragilité des enfants confiés à leur garde, elles font de leur mieux pour assurer les meilleurs contacts possibles avec les familles, surtout quand elles sont implantées dans des quartiers où les populations fragilisées sont présentes en majorité.
Face à ces difficultés, les écoles communales de Schaerbeek peuvent compter sur des appuis au niveau de l’administration communale, mais aussi des PMS et des services de promotion de la santé à l’école.
Et pourtant, dès le jeudi soir, soit quelques heures après les faits, tout dérape. La rumeur se propage à une vitesse fulgurante. Il y a suspicion de viol, voire viol tout simplement.
Malgré la prise en charge de l’enfant par le service spécialisé de l’hôpital Saint- Pierre, malgré la plainte déposée par les parents avec les encouragements des autorités communales, la rumeur continue d’enfler. Un pédophile agirait dans l’école, menaçant la totalité des enfants et il faut donc fermer celle-ci. L’ensemble des détenteurs de l’autorité (direction, bourgmestre, échevin, médecins, police, justice) formerait une alliance pour cacher la Vérité (qui est, forcément, que la petite a été violée par « un méchant monsieur »).
Dès ce moment, l’irrationnel prend le dessus. Il s’enflammera lors de la manifestation du lundi 29 et culminera lors de la mini-émeute du mardi 30. Ce jour-là, une foule excitée criera « école pédophile » et des dames, d’âge mûr et d’apparence respectable, jetteront des projectiles sur des policiers qui protègent l’école.
Ce groupe scolaire, nous y avons travaillé, nous y avons mené des projets avec de nombreux partenaires. Nous y avons toujours défendu des principes humanistes. Lors de l’inauguration de ce bijou « Art nouveau » en 1907, un échevin avait déclaré : « les écoles sont les palais du peuple, on ne peut les faire ni assez grandes, ni assez belles » . C’était notre conviction quand nous étions en fonction, ce l’est encore aujourd’hui, malgré les dégâts causés par cette triste affaire.
La bêtise au front de taureau a tout ravagé. On a pensé qu’un pédophile rôdait dans les couloirs d’une école dont le personnel est essentiellement féminin. On a avancé l’idée que la petite aurait été abusée après « avoir été déshabillée par un méchant monsieur », sans s’étonner que personne dans le personnel ne remarque rien. On a dit que l’école et les autorités communales, qui ont réagi quasiment dans l’heure, voulaient cacher la vérité. On a crié que si « c’était une enfant blanche, ça se passerait autrement », qu’« en Turquie, on n’aurait mis qu’un jour pour trouver les coupables », on a hurlé « où sont les conseillers communaux musulmans, où sont les conseillers communaux turcs (?) » devant une école pour laquelle, depuis trente ans le « vivre ensemble » a toujours été au cœur de projets pédagogiques.
Quelle tristesse pour nous face à ces dizaines de personnes déchainées. Mais quelle colère aussi face aux chacals qui ont profité de ce triste fait divers pour l’exploiter politiquement. Nous accusons ces quelques conseillers communaux qui ont encouragé les réactions émotionnelles, qui ont contribué à propager des rumeurs ou des fantasmes ou qui n’ont rien fait pour les démentir ni pour calmer les esprits. Ces racistes aussi, qui ont profité des tribunes offertes par les forums des médias pour déverser leur fiel. Ces bonnes âmes, enfin, qui trouvent qu’il y a aussi des désordre lors de matchs de foot (sans voir que gueuler dans un stade, ce n’est pas tout à fait la même chose que casser les vitres d’une école) ou qui excusent des débordements inadmissibles parce que les manifestants feraient partie de ces nouveaux prolétaires que sont les habitants issus de l’immigration (en oubliant que certains de ces habitants issus de l’immigration sont belges et parfois échevins ou conseillers communaux).
Quelle tristesse aussi de constater que ce vendredi, si les parents admettent enfin que leurs soupçons étaient totalement infondés et s’ils appellent au calme, ils n’ont, pas plus que leur avocat, eu le moindre mot d’excuse pour l’équipe éducative de l’école 1, ni pour celle de l’institut Frans Fischer qui cohabite dans le groupe scolaire. Ces deux équipes doivent reprendre leur travail lundi et reprendre leur mission, qui est celle de l’école, accueillir sans distinction d’origine, de religion, de sexe, les élèves qui leur sont confiés et en faire des citoyens responsables. Ce travail ne peut se faire que dans la sérénité et nous avons honte pour tous ceux qui ont, pour des motifs inavouables, perturbé une des tâches les plus nobles qui soient : éduquer la jeunesse. Nous adressons notre soutien inconditionnel à toute l’équipe éducative du Groupe scolaire « Ecole 1 –La Ruche ».”
Christian DELSTANCHES, Directeur honoraire de l’école n°1
Marc Guiot, Directeur honoraire de l’enseignement de promotion sociale communal
Alain MARCHAL, Directeur honoraire de l’Institut Frans FISCHER,
Georges VERZIN, Conseiller communal, ancien échevin de l’Instruction Publique
Claude WACHTELAER, Ancien Inspecteur coordinateur de l’enseignement communal