Brusano, une rationalisation d’associations qui coûte plus cher à Bruxelles

Né en 2019, Brusano est une ASBL qui doit soutenir les structures de soins de première ligne de la Région bruxelloise. Seulement, aujourd’hui, ses missions sont toujours floues et elle coûte plus cher à la Cocom que les 4 structures qui la précédaient. Et elle ne dispose toujours ni de contrat de gestion ni d’arrêté de subvention.

Lors de la précédente législature, le gouvernement et en particulier le ministre de l’Emploi et de la Santé, Didier Gosuin (DéFi), se lance dans plusieurs grandes réformes. Aussi bien dans le domaine de l’aide aux entreprises que dans la santé, Didier Gosuin souhaite rationnaliser et faire le ménage dans les différentes structures. Le but : faciliter la vie des usagers mais surtout rationnaliser les coûts. On se souviendra notamment de sa grande réforme pour créer le 1819 qui a valu quelques pertes d’emploi dans les directions des différentes structures.

Moins visible par le grand public, Didier Gosuin a aussi voulu mener une réforme en matière des soins de santé. Toujours dans le but de rationnaliser et de fournir un meilleur service aux professionnels de la santé. Avant 2018 donc, il existait 4 structures pour la première ligne: le Réseau multidisciplinaire local de Bruxelles (RML-B), Palliabru qui gère les soins palliatifs, les Services intégrés de soins à domicile (SISD) et le réseau Conectar qui est bicommunautaire.

Une période de transition complexe

Cela fait donc beaucoup de structures différentes pour gérer les soins de santé de première ligne. De plus, le but de chacune de ses associations est de mettre les professionnels de santé en réseau afin de perdre moins de temps et de gérer au mieux les problématiques des patients et principalement pour ceux qui rencontrent des difficultés dans l’accès à la médecine. Une fusion semble être assez naturelle.

Seulement, comme dans toute restructuration, cela signifie aussi une modification des statuts, un lissage des dettes éventuelles, un rachat de patrimoine immobilier, une diminution du nombre d’administrateurs et de postes de direction ainsi qu’un changement dans la culture d’entreprise. Des luttes de pouvoir s’exercent entre les médecins. Une direction provisoire est nommée avec un président intérimaire avant la désignation définitive du médecin Michel De Volder comme président de Brusano et de Valentine Musette comme directrice.

Officiellement, la mission de Brusano, inscrite au Moniteur belge, est “la promotion du développement et le soutien en première ligne de soins intégrés, accessibles à tous et de qualité, en Région bruxelloise, en ce compris dans l’articulation avec tous les acteurs de la santé et du bien-être, en organisant un service d’appui et d’orientation pour les professionnels de la santé.”

“La fusion des ASBL venait d’une demande du secteur, de la base, explique Didier Gosuin, ex-ministre de la Santé. Nous venions d’une époque très complexe surtout pour l’organisation des gardes de médecins. En même temps, il y a eu cette réorganisation en fin de législature pour une raison d’efficience et d’économie. Cela devait ne pas coûter plus cher voire moins si possible.”

Un demi-million d’euros en plus

Seulement, malgré la réduction des conseils d’administration et la rationalisation des missions, Brusano coûte aujourd’hui plus d’argent au public que les 4 ASBL de l’époque. De plus, alors que la première ligne a été fortement sollicitée lors de la crise de la covid-19, Brusano n’est jamais apparu dans les documents de la Cocom jusqu’à très récemment avec le début de la vaccination des sans-abri. Lors de la commission spéciale Covid-19 du parlement bruxellois, Brusano n’a pas été entendu. C’est l’association des médecins généralistes qui est intervenue. Cependant, l’association a touché des subsides supplémentaires pour remplir ses missions concernant la covid-19.

Si on regarde les budgets et plus particulièrement les subsides des anciennes associations, on s’aperçoit qu’en 2017, la Cocom a déboursé 2,7 millions pour Palliabru, la SISD, les soins palliatifs et d’autres missions de la SISD. En 2018, on passe à 3,4 millions. Puis en 2019, l’année où arrive Brusano, il y a un trou dans le financement avec 1,5 million d’euros.

Si les subsides de Brusano restent à peu près égaux, à savoir 1,4 million pour 2021, d’autres structures naissent mais semblent effectuer les mêmes missions que Brusano. Des équipes palliatives multidisciplinaires sont toujours subventionnées par Iriscare alors qu’elles devaient être intégrées à Brusano. On arrive ainsi à un budget de plus de 3 millions pour 2021. De plus, l’association dispose toujours de deux locaux alors qu’elle ne devait plus occuper qu’une seule implantation.

Des missions presque identiques

En réponse à une question écrite du député libéral, David Leisterh (MR), le cabinet du ministre de la Santé, Alain Maron (Ecolo) explique que “la fusion des asbl n’était pas purement un objectif de rationalisation mais plutôt un effort d’efficience. L’objectif est de permettre d’augmenter la capacité de ces asbl de soutien à l’organisation des soins de première ligne de jouer leur rôle en réduisant leurs coûts fixes”. Or, lors des débats de l’époque, la rationalisation était évoquée.

Les missions des équipes palliatives et de Brusano semblent très similaires. Les deux structures doivent par exemple, organiser un “soutien psychologique aux patients, à ses aidant-proches ou à son réseau pour les situations à domicile faisant l’objet d’une prise en charge par une équipe de seconde ligne en soins palliatifs”. Iriscare finance donc aujourd’hui deux équipes palliatives et la Cocom, Brusano.

“A l’analyse des budgets de 2019 à 2021 et en comparaison avec les réponses fournies par l’un des deux Membres du Collège réuni en charge de la santé, je m’étonne de ne retrouver qu’une seule allocation budgétaire sur les trois mentionnées pour le budget d’Iriscare. Aucune trace dans les budgets, pas plus que d’explications sur un financement multiple pour le même type de projets et de missions”, s’interroge David Leisterh.

Nous ne faisons pas la même chose, se défend la directrice de Brusano, Valentine Musette. Nous venons en plus des équipes palliatives s’il est utile d’avoir un autre psychologue par exemple.”

Pour la directrice, Brusano doit améliorer la coordination entre les politiques sociales et de santé et pour cela, le budget n’est pas encore suffisant. “Pour le moment, je ne pense pas que nous coûtions plus cher qu’avant mais nos missions ont évolué. Notre subside structurel est identique mais nous avons en plus des subsides temporaires pour des missions ponctuelles alors, peut-être que cela gonfle le montant global.”

Pas de contrat de gestion

Si l’association ne dispose toujours pas de contrat de gestion ni d’arrêté de subvention, cela n’est “effectivement pas logique”, reconnait Valentine Musette. “J’espère qu’ils seront établis dans les semaines qui viennent.”

Pour le moment, la Cocom subsidie 11,5 équivalents temps plein mais n’est pas fermée à l’engagement d’autres personnes si les missions sont justifiées. 20 personnes travaillent pour Brusano soit 13 ETP sur le financement principal et 3,46 sur d’autres lignes pour une masse salariale d’un peu plus d’un million d’euros.

” Depuis la création d’Iriscare – véritable mastodonte pour les politiques social-santé de la Région – nous n’avons cessé d’alarmer sur le fait que, en raison de la gestion paritaire de cet OIP, leur contrôle budgétaire échappait intégralement au contrôle parlementaire. Cet exemple illustre à quel point nous étions dans le juste, en particulier pour des subsides complémentaires qui sont octroyés par Irsicare en marge d’un financement structurel de la part de la COCOM. Je comprends donc qu’il y là un double financement, pour des missions et des projets qui sont en tous points identiques,” conclut David Leisterh (MR).

Vanessa Lhuillier – Photo: Brusano

■ Reportage de Maël Arnoldussen, Nicolas Scheenaerts et Manuel Carpiaux.