Béguinage, ULB, VUB : les grévistes de la faim ne désarment pas
La grève de la faim se poursuit pour les sans-papiers bruxellois.
Il y a trente jours, plusieurs centaines de sans-papiers (475 à l’heure actuelle) prenaient la décision de débuter une grève de la faim, depuis trois occupations à Bruxelles, situées respectivement dans des réfectoires de l’ULB et de la VUB, et l’Église du Béguinage. La grève se poursuit, alors que la santé des grévistes se détériore, n’entamant cependant en rien leur volonté d’obtenir une régularisation collective.
“Ce que nous revendiquons, c’est une régularisation, dont l’urgence est immédiate vu l’état de santé des grévistes, et vu la souffrance qu’ils ont eu au fil des années et au quotidien. Ils ont subi énormément d’exploitation, d’asservissement, de perte de construction identitaire. Nous demandons une régularisation immédiate avec des critères justes et objectifs, en instituant une commission indépendante pour les jugements“, nous explique Ahmed, porte-parole de l’USPR (Union des Sans-Papiers pour la Régularisation), et lui-même gréviste de la faim depuis l’Église du Béguinage.
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Interview d’Ahmed, porte-parole de l’USPR et gréviste de la faim à l’Église du Béguinage
Une santé physique et mentale en dangereuse diminution
Après près d’un mois de grève de la faim, la santé des grévistes se détériore dangereusement. Chaque jour, ce sont une dizaine d’interventions d’ambulances que l’on dénombre à l’Église du Béguinage, nous précise l’un des grévistes. “Sincèrement, on est arrivé au seuil indicatif qui peut déclencher l’alerte rouge. Actuellement, la plupart connaissent des problèmes cognitifs, des symptômes post-traumatiques, des affaiblissements, des chutes de tension, de glycémie. Leur état de santé se détériore de manière récurrente“, explique Ahmed.
“Le moral, le stress, des malaises, des vertiges, ça devient le quotidien des grévistes de la faim, mais on est déterminé à mener cette action jusqu’à la fin“, ajoute Mohamed, qui mène lui sa grève depuis l’ULB.
La santé mentale des grévistes commence aussi à être sérieusement impactée. Samedi soir, un gréviste de la faim de l’ULB, âgé de 43 ans, originaire d’Algérie, a tenté de mettre fin à ses jours. “Il y a un impact néfaste sur l’état psychique des grévistes, c’est sûr. Quand au monsieur qui a fait une tentative de suicide, lorsqu’on en arrive à un tel désespoir, il n’y a pas d’exutoire pour en sortir (…) Les gens commencent à désespérer“, déplore le porte-parole de l’USPR.
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Des soutiens citoyens, associatifs, politiques
Dimanche après-midi, une marche réunissait dans les rues de Bruxelles plus de 500 personnes, en soutien aux grévistes de la faim. Parmi elles, des citoyens, mais aussi des associations, des syndicats, des représentants de partis politiques, etc.
► Reportage | Une centaine de personnes manifestent en soutien aux sans-papiers devant l’Église du Béguinage (17/06/2021)
Sur le campus de l’ULB-VUB, un comité de soutien s’est également formé, dont le porte-parole est le sociologue Andrea Rea, professeur spécialisé dans l’immigration. “Il y a des comités de soutien mobilisés par rapport à des universités, des citoyens, des organisations (…) Et depuis toujours, les organisations syndicales ont aussi été des acteurs importants“, explique-t-il.
Interview du Pr Andrea Rea, porte-parole du comité de soutien ULB-VUB
Quelles solutions ?
Pour l’instant, les grévistes de la faim n’envisagent pas d’interrompre leur grève, tant qu’ils n’auront pas obtenu satisfaction auprès du secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi (CD&V). “On ne va pas changer de cap, c’est la volonté de tous les grévistes“, indique Ahmed.
À plusieurs reprises, le secrétaire d’État avait indiqué qu’il n’était pas en faveur d’une régularisation collective. La semaine dernière, en commission Intérieur de la Chambre, Sammy Mahdi a également indiqué qu’il ne négocierait pas, même si la situation le préoccupe et qu’il appelle, dès lors, à la fin de la grève de la faim.
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Néanmoins, “le secrétaire d’État Mahdi a rencontré des sans-papiers à plusieurs reprises pour expliquer la politique de régularisation et les projets de loi sur lesquels il travaille pour améliorer le statut de certaines personnes, comme les apatrides“, nous précise sa porte-parole, Sieghild Lacoere.
Selon le professeur Andrea Rea, “on se trouve dans une situation de relatif blocage : d’une part, parce qu’au niveau du gouvernement la question de la régularisation n’a pas été inscrite dans l’accord de gouvernement, et d’autre part la mise en oeuvre est compliqué. Mais je pense qu’il y a beaucoup de possibilités qui s’offrent au secrétaire d’État. Je pense que pour l’instant, ce qui est vraiment important, par rapport aux grévistes de la faim qui la font depuis trente jours, c’est que Sammy Mahdi prenne contact avec eux et essaie de trouver une solution pour arrêter cette grève de la faim, et trouver une modalité qui permette de rencontrer les revendications qu’ils proposent“.
Arnaud Bruckner – Photo : Belga (archives)