A quoi ressemblera la ville de demain?
Un comité d’experts en urbanisme s’est penché sur la réforme du règlement régional d’urbanisme (RRU). Ce texte très complexe doit être adapté pour correspondre à l’habitat de demain. Un rapport a été présenté au gouvernement bruxellois ce jeudi.
RRU. Trois lettres que les architectes et les urbanistes connaissent bien mais qui restent bien opaques pour le grand public. Et pourtant, le Règlement Régional d’Urbanisme régit le visage de la ville. Le RRU traite de la densité, de la possibilité de construire en intérieur d’îlot, de gabarit d’immeuble, de la taille d’une chambre ou encore des possibilités pour organiser le co-living. C’est dans le cadre du RRU que sont instruites les demandes de permis d’urbanisme.
Seulement, ce texte date de 2006. Et encore, en 2006, seules quelques modifications avaient été apportées au texte de 1999. Lors de la précédente législature, le ministre-président Rudi Vervoort s’était penché sur le texte pour le réformer en profondeur. La proposition était passée à l’enquête publique mais avait fait l’objet de nombreuses remarques.
Et puis, entre-temps, il y a eu un changement de majorité, des manifestations pour le climat ainsi que la crise sanitaire qui a révélé d’importants manques dans la qualité des espaces de vie et publics. Le secrétaire d’Etat à l’Urbanisme, Pascal Smet (one.brussels), a souhaité remettre l’ouvrage sur la table et repartir d’une page blanche. Pour cela, un comité de 12 experts en urbanisme (architecte, urbaniste, développeur immobilier, responsable de l’urbanisme des communes) a été formé afin de passer à la loupe le RRU.
23 recommandations
Ce jeudi, leur rapport a été présenté au gouvernement. Il contient un 23 recommandations et près de 90 solutions pour les mettre en oeuvre. “Le RRU doit être un texte évolutif qui encadre de manière positive les constructions et ne bloque pas la créativité, explique Oana Bogdan, présidente du comité d’experts et architecte. Au lieu de donner des règles très précises, il faut mieux dire vers quoi nous souhaitons tendre. Nous ne pouvons pas imaginer certaines innovations notamment en gestion des eaux de pluie.”
“Nous sommes dans le même processus que Good move, ajoute Pascal Smet. Il faut de la concertation avec tous les acteurs pour réformer en profondeur le RRU. Bien sûr, nous nous basons aussi sur les remarques de l’enquête publique de 2019, mais il s’agit d’un changement de regard sur l’urbanisme. Le RRU est là pour aider pas pour faire que chaque projet fasse l’objet de recours.”
Pour mieux accompagner les porteurs de projet en amont, le RRU nouveau se voudrait moins limitatif et plus philosophique. “On garde par exemple une taille minimale pour un logement mais on ne dit plus qu’une chambre doit faire 14m², explique Antoine Crahay, urbaniste à Citytools. Si une chambre fait 12m² mais qu’on gagne des espaces de vie de qualité, pourquoi pas.”
Gérer la densification
Les propositions des experts prennent en compte les défis urbains et environnementaux auxquels Bruxelles va devoir faire face. Certaines recommandations touchent un domaine précis alors que d’autres sont transversales. D’une manière globale, il faut simplifier la règlementation et éviter les demandes de dérogations. “Pour les gabarits par exemple, il ne faut pas rester dans l’urbanisme du XIXe siècle à hauteur de corniche mais prendre aussi en considération l’ilot dans sa globalité.”
La densité doit être envisagé au-delà des seules notions du gabarit et de la profondeur pour les experts. Et la densité peut être envisagée à certains endroits de la ville pour construire des équipements collectifs par exemple.
Au niveau des immeubles, le comité préconise d’apporter une attention particulière aux rez-de-chaussée. Des tours peuvent être envisagées à certains endroits mais le rez doit être vivant et apporter une valeur ajoutée à l’espace public à hauteur d’homme.
Augmenter la perméabilité du sol
Les intérieurs d’ilots doivent aussi avoir une attention particulière et rester calme et perméable. La perméabilité du sol, la gestion des eaux de pluie ont fait l’objet d’une attention particulière. Toute nouvelle construction ne devrait pas rejeter ses eaux de pluie dans les égouts.
La reconversion des immeubles est aussi au cœur de la réforme. Les nouveaux projets devraient être conçus pour pouvoir se transformer au fil du temps. Il n’est pas logique qu’un immeuble soit obsolète après 30 ans. Si une démolition/reconstruction est l’unique solution, elle devra être argumentée.
Sur les espaces publics, le rapport préconise d’augmenter la qualité notamment en les verdurisant. Chaque réaménagement doit être considéré comme une manière de progresser et de lutter contre le dérèglement climatique. La voiture ne devrait plus occuper que 50% de l’espace public contre 60% actuellement. Il faudrait aussi réduire l’encombrement de l’espace en utilisant notamment des conteneurs enterrés pour les déchets.
Des espaces extérieurs pour tous
Le nouveau RRU devrait imposer aussi des espaces extérieurs pour tous les bâtiments. Cela peut se faire sous forme de jardin, de terrasse ou de toiture. Tout logement devra comprendre un espace extérieur privatif et avoir une double exposition à l’exception des studios et des une chambre.
Reste encore la question du co-living. Certaines communes refusent pour le moment la transformation de maisons unifamiliales en logement avec plusieurs chambres et un espace de vie commune. Le RRU actuel n’offre pas cette possibilité. Avec le nouveau texte, il serait possible d’avoir du co-living avec un maximum de 12 chambres par unité de vie. Chacune des chambres devrait mesurer 12m². Pour les plus grands projets de logement étudiant, 30% devraient être du social afin de garantir l’accessibilité pour tous. Enfin, seules les maisons de plus de 200m² pourraient être divisées.
Avec ce rapport, Pascal Smet espère pouvoir remettre un texte pour le RRU en avril ou mai prochain pour une adoption en première lecture. Ensuite, il devra se soumettre à l’enquête publique et au débat parlementaire.
En parallèle, le secrétaire d’Etat se penche sur une réforme du Cobat (code bruxellois de l’aménagement du territoire) pour améliorer encore le délai pour la délivrance des permis d’urbanisme.
Vanessa Lhuillier – Photo: BX1