A quoi correspond le statut de bourgmestre?
Indépendant? Salarié de sa commune? Autre? Difficile de donner un statut clair à nos élus politiques. La fonction de bourgmestre n’échappe pas à la règle et il est parfois complexe, même pour les principaux intéressés, de connaître leur véritable statut.
A la mi-novembre 2020, le bourgmestre de Forest, Stéphane Roberti (Ecolo), décide de faire un pas de côté pour s’occuper d’un proche malade. C’est la première fois qu’un bourgmestre bruxellois prend cette décision pour une durée supérieure à un mois. Comme lorsqu’il est en congé, il nomme une bourgmestre faisant fonction, en l’occurrence Mariam El Hamidine, échevine de la Jeunesse. Comme elle occupe le poste pour plus d’un mois, elle touche un salaire de bourgmestre comme prévu par la Nouvelle loi communale qui régit les traitements des élus et hauts fonctionnaires communaux.
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Seulement, Stéphane Roberti continue à percevoir son traitement de bourgmestre. Or, selon le ministre des Pouvoirs locaux, Bernard Clerfayt (DéFi), une commune ne peut verser deux salaires de bourgmestre en même temps. Stéphane Roberti doit donc rembourser Forest. Actuellement, il a versé son traitement net mais il devrait rendre le brut.
Depuis le 15 janvier, il a remis un certificat médical pour justifier son absence. A partir de cette date, il peut donc percevoir son traitement de bourgmestre mais Mariam El Hamidine ne reçoit plus que son salaire d’échevine. “C’est la première fois que nous sommes dans ce cas de figure, explique le cabinet du ministre en charge des Pouvoirs locaux, Bernard Clerfayt. Cela n’était pas très clair dans la Nouvelle loi communale. Il va falloir revoir cela pour qu’il n’y ait plus de mauvaise interprétation à l’avenir”.
Mariam El Hamidine doit donc rembourser son traitement de bourgmestre des deux derniers mois. Quant à Stéphane Roberti, son certificat médical va jusqu’au 30 avril mais à Forest, on assure qu’il sera prolongé.
Un statut à part
En réalité, le statut de bourgmestre ne rentre dans aucune case. Il n’a pas de contrat de travail. S’il ne cumule pas avec une autre fonction comme député ou salarié ou indépendant, la commune lui verse un traitement calculé en fonction du nombre d’habitants et d’un pourcentage du salaire de secrétaire communal.
Ainsi, à Bruxelles, les bourgmestres des communes entre 20.000 et 50.000 habitants perçoivent 93% du salaire du secrétaire communal, de 50.001 à 80.000 habitants ils ont 103% et au-delà, ils touchent 118%.
Et voici le salaire d’un secrétaire communal:
- – communes de 25.001 à 35.000 habitants : de 36.273,24 euros à 53.567,34 euros;
- – communes de 35.001 à 50.000 habitants : de 38.484,60 euros à 56.701,80 euros;
- – communes de 50.001 à 80.000 habitants : de 41.141,70 euros à 60.167,76 euros;
- – communes de 80.001 à 150.000 habitants : de 43.567,26 euros à 63.468,48 euros;
- – communes de plus de 150.000 habitants : de 47.246,40 euros à 68.418,54 euros.
Ces montants doivent être multipliés selon l’index, à savoir 1,8 actuellement. Les échevins quant à eux perçoivent entre 60 et 75% du salaire du bourgmestre.
Cependant, si le bourgmestre cumule avec un poste de député comme le bourgmestre de Koekelberg, Ahmed Laaouej (PS), celui-ci ne peut pas toucher plus de 150% du montant du salaire de député. La commune en général ne verse donc pas l’intégralité du traitement.
A son traitement, il faut ajouter un pécule de vacances et une prime de fin d’année. En général, il a aussi un abonnement GSM et dans certaines communes, des frais de représentation ainsi qu’un véhicule de fonction (voiture ou vélo ou abonnement Stib à la Ville de Bruxelles par exemple).
Une sécurité sociale un peu différente
S’il n’a pas un autre emploi, le bourgmestre payera des cotisations sociales sur son traitement. Cela lui permettra de bénéficier de la sécurité sociale comme tout le monde. S’il a un contrat de travail dans le privé, c’est via ce dernier que sa mutuelle sera payée. En plus, les communes paient une assurance hospitalisation.
Cependant, s’il doit être absent pour une raison médicale plus d’un mois comme c’est le cas de Stéphane Roberti, il ne sera pas payé par la mutuelle comme un salarié puisqu’il n’a pas de contrat de travail. Le même mécanisme s’applique aux échevins ou aux présidents de CPAS. Par contre, ils continuent à percevoir leur traitement en entier. Idem pour les députés.
Par contre, les députés comme les ministres, doivent cotiser eux-mêmes à la mutualité de leur choix.
Une retraite communale
Avec les cotisations, les communes constituent des retraites spécifiques pour leurs élus. Ils toucheront 60% de la moyenne de leurs derniers traitements sur les 5 dernières années. Une carrière complète est considérée après 27 ans et un plafond équivalent à la retraite d’un secrétaire général ne peut être dépassé. Il n’existe pas de retrait complémentaire alimentée par les communes.
Pas de chômage
Lorsqu’un député n’est pas réélu, il touche une indemnité de sortie, à savoir 2 mois par année d’ancienneté avec un maximum de 24 mois. Par contre, les élus des collèges communaux ne touchent rien. “Du jour au lendemain, on se retrouve sans rien et on peut rentrer à la maison, explique Didier Gosuin (DéFi), bourgmestre d’Auderghem. On peut aussi claquer la porte. Nous avons une liberté d’action mais il y a un prix à payer.”
Une revalorisation barémique dans la Nouvelle loi communale
A la Région, on travaille pour modifier la Nouvelle loi communale. Les changements porteront principalement sur le décumul pour tous les postes et toutes les tailles de commune. Actuellement, rien n’oblige un échevin ou un bourgmestre à choisir avec son mandat de député même si dans les faits, les élus de communes de plus de 50.000 habitants ont déjà appliqué le décumul.
Après les élections de 2024, il ne devrait plus être possible d’avoir deux mandats. Cependant, dans les petites communes, les salaires des échevins ou des bourgmestres ne sont pas très élevés par rapport à leurs responsabilités. Les bourgmestres comme les échevins peuvent être poursuivis personnellement au pénal et au civil. Or, par exemple, un échevin de Berchem gagne environ 3.500 euros bruts par mois, soit moins que certains collaborateurs.
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Bernard Clerfayt souhaiterait donc diminuer le nombre d’élus locaux et revaloriser les traitements et donc le salaire du secrétaire communal. Une première proposition allait dans ce sens avant les élections régionales de 2019 mais depuis, le dossier n’a pas beaucoup avancé. “Nous travaillons dessus mais ce sont des équilibres à trouver. Nous espérons déposer un projet dans les prochaines semaines“, nous explique-t-on au cabinet Clerfayt. Et au passage, des précisions seront apportées afin de ne pas revivre le même flou qu’à Forest.
Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Laurie Dieffembacq