Audi envisage 1.510 licenciements en 2024 et 1.110 en 2025, selon le syndicat ACLVB
Dans sa proposition de restructuration, le constructeur automobile allemand Audi envisage de licencier 1.510 travailleurs de son usine de Forest d’ici la fin octobre, puis 1.110 à partir du mois de mai prochain, de sorte que plus personne ne soit employé sur le site bruxellois d’ici la fin 2025, a indiqué mercredi le syndicat libéral ACLVB.
La direction d’Audi a annoncé mardi soir qu’elle cesserait plus tôt que prévu la production du modèle Q8 e-tron, dernière voiture à être assemblée à Forest. Elle a annoncé une restructuration, prévenant qu’elle n’excluait pas une fermeture complète de l’usine où travaillent actuellement près de 3.000 personnes. Selon l’ACLVB, le plan de restructuration contient trois phases. Pendant la première, 1.250 ouvriers et 260 employés devraient être licenciés d’ici la fin octobre. Il en serait alors fini du système à deux équipes et seuls 1.410 travailleurs seraient encore présents dans l’usine.
Si ce n’était pas suffisant, une deuxième phase débuterait en mai 2025, avec un écrèmage de 820 ouvriers et 290 employés. Entre les coups, Audi dit qu’il continuera à chercher des alternatives pour l’usine. Sans solution, le reste des travailleurs (200 ouvriers et 100 employés) seront alors licenciés avant la fin 2025.
Une incertitude qui planait
Cette annonce, publiée après le début d’un conseil d’entreprise extraordinaire, déclenche le début de la procédure d’information et de consultation, conformément à la législation belge. “Audi Brussels est en dialogue avec les partenaires sociaux pour discuter de solutions pour les collaborateurs et le site”, selon un communiqué. “Cela pourrait également inclure une cessation des activités si aucune alternative n’est trouvée.” Audi justifie cette annonce par la baisse de commandes au niveau mondial dans le segment électrique haut de gamme. Cela concerne les modèles Q8 e-tron et Q8 Sportback e-tron qui sont produits à Bruxelles. “Actuellement, avec la montée en puissance des nouveaux modèles basés sur la Premium Platform Electric, l’entreprise observe une baisse de la demande pour le Q8 e-tron”.
Cette situation s’accompagne de défis structurels connus depuis longtemps sur le site de Bruxelles : l’emplacement de l’usine difficilement modifiable en raison de la situation particulière de la production à proximité de la ville. À cela s’ajoutent des coûts logistiques élevés. Dans l’ensemble, cela se traduit par des coûts de production élevés à Bruxelles par rapport à d’autres sites “L’annonce de l’intention n’est pas encore une décision. Néanmoins, cette nouvelle touche beaucoup les collaborateurs d’Audi Brussels et moi-même. Il est important de dialoguer de manière transparente et constructive dans le cadre du processus à venir. Nous prendrons en compte toutes les points de vue”, a commenté Volker Germann, CEO d’Audi Brussels.
L’incertitude planait depuis longtemps sur l’avenir de l’usine. En février, la direction avait confirmé que la Q8 e-tron serait fabriquée au Mexique à partir de 2027. En mars, on apprenait que 371 travailleurs intérimaires allaient perdre leur emploi en raison de la réduction de la cadence de production. Le gouvernement fédéral a ensuite présenté à la direction des mesures de soutien possibles. Les chaînes de production de l’usine s’arrêtent régulièrement, avec chômage temporaire. Il n’y aura pas de production non plus ces deux prochaines semaines, jusqu’aux vacances.
L’an dernier, l’usine a produit 53.555 voitures électriques, soit 7 % de plus qu’en 2022. L’usine emploie quelque 3.000 travailleurs permanents.
La commune de Forest veut être impliquée dans les discussions
“Nous restons disponibles et décidés à participer aux discussions avec le Fédéral et la Région pour défendre les intérêts des travailleurs -en ce compris les sous-traitants- du site d’Audi Bruxelles qui représente 15% de la surface communale ainsi que l’intérêt des Forestois”, a déclaré mercredi Alain Mugabo, échevin forestois en charge de la planification urbaine.
En mars dernier, les autorités avaient déjà lancé une task force sur l’avenir d’Audi mais la commune n’y avait pas été associée. “Notre apport est pourtant évident tant en termes d’enjeux territoriaux que financiers. S’il est crucial de conserver une certaine production industrielle de transition à Bruxelles, il est tout aussi capital de considérer les enjeux socio-économiques et environnementaux dans ces moments de crises et de tournant”, a ajouté M. Mugabo. “La menace qui pèse sur plus de 1.400 travailleurs de Audi Forest fait craindre un nouveau drame social dans l’industrie automobile. Toute notre solidarité va aujourd’hui vers ces travailleuses et travailleurs et leur famille”, a-t-il poursuivi.
Le PTB demande une réunion de crise du gouvernement et la convocation du Parlement
Le gouvernement fédéral doit organiser une réunion de crise avec les syndicats et le Parlement doit être convoqué en urgence après l’annonce de l’arrêt anticipé de la production du modèle Q8 à l’usine Audi de Forest, plaide mercredi le PTB. “C’est une décision inacceptable. Les travailleurs et travailleuses d’Audi Brussels ont été des pionniers dans la construction de véhicules électriques pour le groupe. Ils possèdent une expertise précieuse. L’usine est à la pointe de la technologie. Elle doit avoir un avenir garanti, et le politique doit mettre tout son poids dans la balance”, estime son président, Raoul Hedebouw. “Des mesures doivent être prises pour contraindre le groupe à maintenir une activité de construction de véhicules électriques sur le site. Les organisations syndicales doivent être impliquées, contrairement à la task-force qui avait été mise sur pied et dont ils étaient jusqu’ici exclus”, ajoute-t-il. Le parti d’extrême gauche appelle enfin à développer en urgence un plan européen pour la production et la transition vers les véhicules électriques. “Un tel processus ne doit pas être laissé entre les mains du marché”, défend le PTB.
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Les syndicats craignent un bain de sang social chez les fournisseurs
La restructuration annoncée aura certainement des conséquences sur l’emploi auprès des fournisseurs de l’usine de Forest. C’est en tout cas ce que craint le syndicat chrétien, l’ACV Metea. Selon le syndicat, cinq fournisseurs sont en très large partie dépendant de l’usine bruxelloise: Imperial Logistics, Rhenus Logistics, Plastic Omnium, Mosolf et Sesé. A eux cinq, ces fournisseurs emploient quelque 1.000 personnes, soit autant d’emplois indirects qui pourraient être concernés par la restructuration d’Audi. Snop Automotive devrait aussi être touché, mais dans une moindre mesure puisqu’il fournit également l’usine Volvo de Gand.
Le syndicat chrétien regrette le manque de transparence de la direction et affirme que les travailleurs restent avec de nombreuses questions. “On nous dit que l’on cherche des alternatives, mais nous voulons que l’on joue cartes sur table”, conclut un représentant du syndicat.
Pierre-Yves Dermagne regrette l’annonce d’Audi Brussels
Le ministre démissionnaire de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS), a regretté, mercredi, la restructuration annoncée la veille par la direction d’Audi Brussels. Le vice-premier ministre socialiste veillera à ce que la procédure d’information concernant les travailleurs soit menée correctement et que toutes les pistes susceptibles de préserver les emplois soient “sérieusement examinées”, a-t-il indiqué.