Une question de budget, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le futur déficit de l’État belge.

Quel sera le déficit réel de l’État belge l’an prochain ? 2,9 % ou 3,4 % du produit intérieur brut ? Cette semaine, les deux chiffres ont circulé. Une approximation qui donne une image d’amateurisme au niveau de l’État fédéral, alors que la question budgétaire, mise entre parenthèses depuis deux ans, risque de nous revenir en pleine figure.

Entre 2,9 % et 3,4 % du produit intérieur brut, il y a une différence de 7,7 milliards. Ce n’est pas du tout un petit détail. Initialement, c’est bien un déficit de 2,9 % sur lequel les ministres s’étaient mis d’accord en octobre. Mais la semaine dernière, dans le projet de loi déposé par la ministre du Budget, on était tout d’un coup passé à 3,4 %. Explication de la secrétaire d’État au budget : elle prenait en compte la baisse de la TVA sur les prix de l’énergie, ce qui rapporte moins de recettes fiscales à l’État belge.

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Finalement, cette version a été battue en brèche. D’abord, parce qu’on ne sait pas où se situeront les prix de l’énergie l’an prochain, et qu’il y aura en parallèle une réforme des accises. Théoriquement, ce qui sera perdu par la TVA devrait être récupéré par les accises. Par ailleurs, les mesures provisoires comme les 200 € du paquet énergie sont également amenées à disparaître. Le correctif de la secrétaire d’État laissait entendre que ces mesures seraient permanentes. C’est une erreur matérielle, a donc plaidé Alexander de De Croo cette après-midi devant les députés. Erreur matérielle, curieuse expression puisque ce serait plutôt une erreur de raisonnement si on a bien compris les explications du Premier ministre.

Ce soir, c’est donc retour à un déficit de 2,9 %. Mais cet aller-retour fait les choux gras de l’opposition. Une commission des Finances et du Budget est convoquée à 18 h 30 et la secrétaire d’État va devoir s’y expliquer. Il est probable qu’elle passe un mauvais quart d’heure. Dans les rangs de l’assemblée, l’idée qu’elle doive démissionner a d’ailleurs commencé à circuler.

Ces questions budgétaires, ce n’est pas ce qu’il y a de plus de sexy à suivre, je vous l’accorde. Ces chiffres colossaux ne sont pas facilement compréhensibles pour le commun des mortels. D’autant plus qu’en Belgique, le déficit de l’État fédéral s’additionne de celui des autres entités, les régions notamment. Et là, pour 2023, lorsqu’on additionne le tout, c’est un déficit de 5,8% du PIB qui est attendu. Le journal l’Écho, qui a sorti l’information ce matin, révèle que ce sera l’un des pires budgets de toute l’Union européenne.

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Toujours d’après l’Écho, la Commission européenne risque d’être particulièrement critique avec les dépenses en matière de crise énergétique. Parce que si la Commission a bien autorisé les dépenses exceptionnelles dans ce cadre et qu’on s’affranchisse des règles budgétaires pendant quelque temps, elle a bien précisé qu’il fallait privilégier les mesures ciblées et temporaires. La baisse de la TVA et le chèque énergie pour tous, c’est le contraire d’une aide ciblée. Ça profite à tout le monde, cela aide ceux qui n’en ont peut-être pas besoin et au final cela coûte très cher à la collectivité.

Même l’une des pistes mises sur la table par la Commission, qui consistait à n’accorder des aides que pour les besoins de bases, et pas pour les consommations superflues, n’a pas été retenue par les autorités belges. Conclusion : nos dépenses augmentent nettement plus vite que les perspectives de croissance économique. Ça coûte cher, c’est inefficace et au final, c’est une politique qui finira par renforcer les inégalités, car quand l’État devra à nouveau se serrer la ceinture, dans un an ou dans deux ans, il faudra bien trouver le moyen de faire des économies et donc réduire certaines prestations ou revoir à la baisse certaines politiques. Et c’est la preuve que la question budgétaire est, aussi technique et rébarbative soit elle, c’est aussi une question très politique. 

Un édito de Fabrice Grosfilley