Un siège à la Cour et des chaises musicales, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la candidature de Kattrin Jadin (MR) à la Cour constitutionnelle

Elle s’appelle Kattrin Jadin. Jusqu’à présent, elle était députée fédérale. Spécialisée jusqu’ici dans les questions de Défense ou les Relations extérieures. À l’avenir, elle sera juge à la Cour constitutionnelle.

Si on vous parle de Kattrin Jadin, c’est parce que sa désignation met fin à une petite saga qui a agité les couloirs du Mouvement Réformateur ces derniers jours. Initialement, c’est Jean-Luc Crucke qui aurait dû entrer à la Cour constitutionnelle. Finalement, Jean-Luc Crucke a préféré renoncer, il souhaite rester en politique active : « je n’ai pas envie de me taire, j’ai envie de me battre » affirmait l’intéressé pour expliquer son renoncement.

Puisque Jean-Luc Crucke déclarait forfait, il fallait donc trouver un autre réformateur qui acceptait d’être désigné. Parmi ceux qui ont été plus ou moins approchés, on peut citer les noms de Philippe Goffin, ou de Marie-Christine Marghem. L’un comme l’autre ont refusé : entrer à la Cour, c’est tirer un trait sur sa vie politique. Quand on est bourgmestre ou parlementaire, qu’on a encore la possibilité de décrocher un nouveau mandat en 2024, voire l’espoir de devenir ministre, c’est un pas de côté qu’on n’a pas forcément envie de faire.

Kattrin Jadin accepte donc de faire ce pas de côté. Pourtant, elle n’a que 41 ans. Pour siège à la Cour constitutionnelle, il faut avoir 40 ans minimum. Il faut peut-être d’ailleurs rappeler ce que fait cette Cour constitutionnelle. C’est elle qui vérifie que les législations sont bien conformes à notre constitution, et que l’État fédéral, mais aussi les régions et communautés, n’outrepassent pas les pouvoirs qui sont les leurs. Un gendarme de la Constitution en quelque sorte, composé de 12 membres : 6 anciens magistrats et 6 anciens parlementaires. Avec un nombre égal de francophones et de néerlandophones. Dans la Cour actuelle, on va donc trouver deux anciens présidents du Sénat, Dany Pieters et Sabine de Bethune, un ancien chef de groupe, Thierry Giet. Précision importante, on est nommé à vie et on peut siéger jusqu’à l’âge de 70 ans. Kattrin Jadin est donc partie pour une période de 28 ans. En termes de sécurité de l’emploi, c’est difficile de trouver plus stable.

Bien sûr, une fois juge, Kattrin Jadin renoncera à ses mandats actuels. Elle ne sera plus échevine à Eupen, plus présidente des libéraux germanophone ni vice-présidente du MR, et surtout elle ne sera plus députée. C’est Mathieu Bihet qui va prendre sa place. Et ça arrange bien Georges-Louis Bouchez. Mathieu Bihet est une personnalité qui monte et qui commençait à s’impatienter. C’est pour cela qu’il fallait privilégier un juge issu de la circonscription de Liège, là où Mathieu Bihet était suppléant.

Ceux qui ont peu de mémoire se rappelleront que la dernière fois qu’on a parlé abondamment de la Cour constitutionnelle, c’est quand Écolo avait voulu y envoyer Zakia Katthabi. À l’époque, le même Georges-Louis Bouchez s’y était violemment opposé, au motif qu’elle n’avait pas fait d’études de droit, ce qui est embêtant pour être juge et expliquant partout qu’il fallait dépolitiser ces nominations. On est deux ans plus tard. On notera que Kattrin Jadin a commencé par une candi en droit avant de décrocher une licence en sciences politiques. Une candi, c’est déjà ça. Mais sa désignation intervient dans une séquence où la présidence du MR a surtout donné l’impression de vouloir envoyer à la Cour des personnalités qui n’étaient plus en pleine adéquation avec sa vision du parti. En politique, on dénonce souvent la nomination politique quand elle est dans l’œil du voisin. On voit rarement la poutre quand on a la nomination dans ses mains.

Un édito de Fabrice Grosfilley