Ukraine : l’équilibre précaire, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la prise d’un nouveau territoire ukrainien par les Russes.
Aujourd’hui, 20 % du territoire ukrainien est contrôlé par les forces russes. C’est Volodymyr Zelensky lui-même qui en a fait l’annonce.
20 % du territoire ukrainien, cela représente 125 000 m², c’est plus que la superficie du Benelux, c’est-à-dire la Belgique, les Pays-Bas et le Grand-duché de Luxembourg réunis. Volodymyr Zelensky n’a pas pris cette comparaison au hasard. Il s’exprimait aujourd’hui devant le Parlement luxembourgeois. En réalité, 125 000 m², c’est beaucoup plus que le Benelux. C’est presque l’équivalent de la Grèce, ou de la moitié du Royaume-Uni pour prendre des points de comparaison.
3 mois après le début de la guerre, l’Ukraine a donc perdu un 5ième de son territoire. Il faut y ajouter des pertes humaines. Entre 60 et 100 soldats ukrainiens qui perdraient la vie chaque jour, toujours d’après Volodymyr Zelenski. Et puis les victimes civiles. Au moins 234 enfants ont été tués dans les bombardements, d’après les Ukrainiens. L’organisation Médecin Sans Frontière a pu transférer 600 Ukrainiens vers des hôpitaux situés en dehors des zones de guerre. Un voyage qui prend jusqu’à 3 jours. On peut continuer à égrener les chiffres, le nombre de déportés, le nombre d’obus, le nombre de prisonniers, etc.
Après 99 jours de combats, les 100 jours, c’est demain, c’est désormais l’enlisement qui menace dans ce conflit. On se bat autour de Sievierodonetsk. C’est la bataille du moment, à la suite de celle de Marioupol, avant celles d’autres villes un peu plus à l’Est ou un peu plus au Nord, puisque l’armée russe poursuit son grignotage. Au prix de bombardements intenses et de quartiers rasés, mais l’armée russe avance, c’est désormais une évidence. Ce n’est pas le rouleau compresseur qu’on avait annoncé, mais une progression pas à pas avec une défense ukrainienne qui s’épuise.
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Ces forces ukrainiennes, pourront-elles inverser la tendance ? C’est ce qu’on veut encore croire du côté occidental, au sein des pays qui soutiennent les Ukrainiens, et dont la Belgique fait partie. Hier, Joe Biden, le président américain, a ainsi annoncé la livraison de nouveaux lance-roquettes de fabrication américaine pour les Ukrainiens. Ces lance-roquettes, des systèmes “Himars“, ont la particularité de pouvoir être montés sur des blindés légers. Ils peuvent tirer 6 roquettes d’un coup qui seront ensuite guidées par GPS. Un rayon d’action de 80 km qui peut monter jusqu’à 300 km avec certaines munitions. Un outil tactique qui pourrait permettre aux Ukrainiens d’atteindre des infrastructures militaires qui se trouvent assez loin à l’intérieur du territoire russe… Alors que les missiles russes ne pourraient pas les toucher en retour.
Hier, Joe Biden a tenu à cadrer les choses. Les Américaines vont livrer ces lance-roquettes, mais seulement avec des projectiles de faible portée. Il s’agit de munitions qui permettront de toucher des objectifs sur le champ de bataille en Ukraine, a écrit le président américain dans une tribune au New-York Times. Pas question de tirer sur la Russie donc. Après 98 jours de combats, la crainte d’un embrasement généralisé qui conduirait à une 3ᵉ guerre mondiale est toujours là. Alors que les caméras du monde entier ont les objectifs fixés sur le Jubilé de la Reine d’Angleterre et sa stupéfiante longévité, l’Est de l’Europe, elle, recherche dans le sang et sous les bombes, un point d’équilibre, qui est aujourd’hui particulièrement précaire.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley