Trop de trottinettes ? L’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito les trottinettes électriques partagées.
Faut-il limiter l’utilisation des trottinettes partagées dans les grandes villes ? Le gouvernement de la Région bruxelloise réfléchit à la question. La ville de Paris passe à la vitesse supérieure, et envisage carrément de les interdire.
Ces trottinettes partagées sont extrêmement présentes dans la ville. Dans la rue, sur les trottoirs, sur les pistes cyclables, on les voit partout. En théorie, depuis l’été dernier, il faut avoir 16 ans pour les conduire, on a l’interdiction d’y être à deux, et on doit rouler au pas si on est sur le trottoir ou dans une zone piétonne. Dans la pratique, on sait tous qu’à Bruxelles, ces règles ne sont pas souvent respectées. Et entre les pistes cyclables empruntées à contre-sens ou le zigzag qui manquent de renverser les piétons, les utilisateurs de trottinettes ont l’art de se faire beaucoup d’ennemis.
À Paris, l’existence de ces trottinettes partagées est désormais ouvertement remise en cause. Le maire adjoint en charge des transports, l’équivalent d’un échevin de la mobilité, membre du parti écologiste, propose carrément de les interdire. « Ce mode de déplacement n’est pas vertueux, il se substitue à la marche, les accidents ont augmenté de 189 % en deux ans et la trottinette génère un climat anxiogène » pour les autres usagers de l’espace public, explique-t-il aujourd’hui dans un article du journal Le Monde.
Il faut savoir qu’à Paris, il n’y a aujourd’hui que trois opérateurs autorisés, alors qu’à Bruxelles il y a huit sociétés actives sur cette activité. Et depuis 2020, cela fait deux ans, les clients doivent payer des pénalités s’ils garent leurs engins en dehors des zones prévues à cet effet. Évidemment, les sociétés concernées ne vont pas se laisser faire. Elles affirment déjà qu’interdire leurs trottinettes va faire monter la facture carbone, et accessoirement coûter plusieurs centaines d’emplois, elles avancent le chiffre de 800 sur la ville de Paris. Ainsi, c’est la maire de Paris Anne Hidalgo qui va devoir trancher ce débat.
À Bruxelles, on ne parle pas d’une interdiction pure et simple, mais la ministre de la mobilité a bien déposé sur la table du gouvernement un projet d’arrêté qui vise à limiter le nombre de trottinettes. On passerait de 23.000 trottinettes autorisées aujourd’hui, à 14.000 dans les prochaines années. La vitesse des engins partagée restera bridée : 20 km en voirie normale, et 8 km/h lorsque l’on entre sur une zone piétonne. Enfin, le stationnement devrait se faire dans des drops zones qui seraient à définir en concertation avec les communes, et les opérateurs devraient payer une redevance à la Région bruxelloise.
Ce projet d’arrêté est passé en première lecture au gouvernement il y a une dizaine de jours. Il doit encore faire l’objet de concertation avec les communes et avec les opérateurs de trottinettes partagées. Comme certains de ces opérateurs proposent à la fois des trottinettes, des scooters et des vélos, ça peut faciliter les négociations. Dans le texte bruxellois, il n’y a pas d’obligation à être présent sur tout le territoire, ce qui est peut-être dommage pour certains quartiers excentrés qui pourraient être à nouveau boudés par ces opérateurs privés. Surtout, rien ne dit que ce projet d’arrêté sera adopté tel quel. Mais puisque le débat commence à Bruxelles, suivre ce qui se passe à Paris n’est pas forcément une perte de temps. En matière de mobilité, ce qui se passe chez nos voisins finit souvent par arriver chez nous.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley